Dans l'atelier de Cendrars - Couverture souple

Leroy, Claude

Couverture souple

ISBN 10 : 2745327763 ISBN 13 : 9782745327765

Editeur : Honoré Champion, 2014

A propos du livre

Extrait :

L'AMOUR DES COMMENCEMENTS

Je cherche le visage que j'avais
Avant le commencement du monde

Est-il meilleure introduction à l'univers de Biaise Cendrars que ces vers de William Butler Yeats ? Les deux poètes ne se sont sans doute jamais rencontrés. Se sont-ils même lus ? Mais ils partagent une même passion, la passion des origines. L'empire de cette passion s'étend à tous les domaines de la vie et de la création. Elle dévore ceux qui cherchent le secret des choses ou l'élixir de longue vie. Elle jette sur les routes du monde ou de l'esprit ceux qui rêvent de tout changer en changeant leur vie. Dans le cortège qui passe chez Cendrars en longue file prennent place tous ceux que pousse comme une idée fixe le désir de commencer ou de recommencer, les pionniers, les émigrants, les grands navigateurs, les conquistadors, les descobridores, les évadés, les défricheurs, les affranchis, les inventeurs (même et peut-être surtout quand la fortune les abandonne), les vulgarisateurs dont la lecture fait jaillir l'étincelle dans l'esprit des enfants, les déracinés, les transplantés, ceux qui toujours lâcheront la proie pour l'ombre, les têtes brûlées par l'appel de l'aventure, ceux qui jouent leur vie à la roulette russe, les Lazare qui ont réussi à se faire la belle, les mystiques qui se dépouillent en Dieu, les animistes en transe visités par leur totem, ceux qui ont déjà retenu leur billet pour le premier voyage vers la lune, les pseudonymes qui s'attendent eux-mêmes et ont largué le nom reçu pour savoir enfin celui-là qu'ils sont.
Dans la famille que s'est composée Cendrars, la hiérarchie des mérites importe moins que celle des hantises. Il accueille parmi les siens ceux qui s'éveillent, rompent et partent sans esprit de retour à la recherche de l'inconnu (mais savent renaître de leurs échecs et de leurs blessures), ceux qui vont toujours du monde entier au coeur du monde, ceux qu'obsède la pierre philosophale (et l'or aussi, pourvu qu'il se transmue en écriture), ceux qui rêvent de revenir dans le ventre de leur mère non pour s'y blottir mais pour s'y refaçonner, ceux qui remontent à la première sensation qui avant même l'apparition de la conscience s'est inscrite dans la mémoire de leur corps, ceux qui partent en eubages aux confins de l'univers vers l'Origine, ceux que la contemplation porte en deçà de l'apparition de l'homme à la rencontre des Lémuriens, ces ancêtres mythiques tirés des eaux par le Grand Totem qui leur a donné le don de poésie grâce à un troisième oeil, hélas, aujourd'hui perdu. Brûlés, boiteux, rongés, infirmes, ces stigmatisés sont tous des aventuriers de l'esprit. Ce qu'ils veulent, mais alors comme des possédés, c'est voir le monde à l'état naissant, avec un regard d'enfant.
Guillaume Apollinaire, né en été, se disait «soumis au Chef du Signe de l'Automne» et c'est pourquoi il célébrait : «Mon Automne éternelle ô ma saison mentale». Mais qu'importe le calendrier des postes ? C'est naître à soi-même qui importe. Quelle pourrait bien être la saison mentale de Biaise Cendrars, lui aussi né en été ? Dans le Transsibérien qui l'emporte vers l'Extrême-Orient, le jeune «Biaise» lance à la petite Jeanne de France une invitation au voyage qui révèle sa prédilection : «Aux Fidji règne l'éternel printemps». Eternel tout comme l'automne d'Apollinaire, le printemps serait-il la saison mentale de Cendrars ? Pour s'en convaincre un peu plus, il suffit de s'en remettre à l'étymologie. En toutes choses, le printemps est la saison du premier temps. C'est la saison de ceux que possède la passion des origines. Et, par excellence, Cendrars est un poète du premier temps. Telle est la leçon que le poète du Panama tire des aventures de ses sept oncles : «Ce matin est le premier jour du monde». Quant à Johann August Suter, le fuyard qui vient de rompre avec tout ce qui faisait sa vie, il reçoit en chemin sa récompense : «Il avait aussi trouvé la première fraise de l'année et devait s'en souvenir longtemps.»
(...)

Présentation de l'éditeur :

« Ce matin est le premier jour du monde. » Avec le poète du Panama, toujours nous sommes ramenés à la naissance mystérieuse de tout. La passion des origines étend son empire à tous les domaines de la vie et de la création. Rien n'est plus exaltant pour lui que partir. Mais, dans la bourlingue à la Cendrars, l'amour du voyage ne fait qu un avec le désir d'aller à la rencontre de l'inconnu et à la recherche de soi. Partir c'est renaître. Son univers est traversé de voyageurs hallucinés, qu'une idée fixe a jetés sur les routes : tout quitter pour se refaçonner. Se faire enfin la belle. La quête de l'élixir de longue vie ou du secret des choses dévore ces aventuriers de l'esprit. Brûlés, boiteux, rongés, manchots, ils ont lâché la proie pour l'ombre et rêvent de voir le monde surgir à l'état naissant, avec des yeux d enfant émerveillé. Autant qu'une règle de vie, partir est un précepte d écriture : ne jamais s'enfermer dans une formule. L'étonnante diversité des livres de Cendrars (poèmes, romans, reportages, mémoires), de même que l'inventaire des enthousiasmes qui l'ont porté vers la musique, la peinture, le cinéma, la publicité ou la radio, révèlent un créateur en mouvement perpétuel, à l'écoute du « profond aujourd hui ». Ce qui fascine dans l'atelier du poète est le refus de dissocier l'expérimentation des formes et l expérience de soi. Sous le plaisir de rompre, se relance une seule et même hantise : l'amour des commencements. Cet ouvrage a reçu le Grand Prix de la Critique de l'Académie Française, 2012.

À propos de cette édition

• Éditeur: Honoré Champion
• Date d'édition: 2014
• ISBN 10: 2745327763
• ISBN 13: 9782745327765
• Reliure: Broché
• Nombre de pages: 288