De la tolérance. Commentaire philosophique - Couverture souple

Bayle, Pierre

Couverture souple

ISBN 10 : 2745328719 ISBN 13 : 9782745328717

Editeur : Honoré Champion, 2014

A propos du livre

Extrait :

Extrait de l'introduction

Comment expliquer l'étrange position tenue par Bayle dans notre tradition culturelle ? Il y apparaît comme une référence souvent attendue, une sorte de passage obligé - entre les «libertins érudits» et les «philosophes» du XVIIIe siècle, entre la Réforme et les «Lumières». Une citation s'impose alors, une allusion rapide à ses «paradoxes» est faite, et l'on passe à autre chose.
En 1949 déjà, Éric Weil remarquait à son sujet : «Il survit, il est vrai, péniblement, dans les dictionnaires, dans les livres de classes, comme précurseur de Voltaire, comme héritier de Montaigne. Le lit-on encore ? On peut en douter.»' Il y a à cela une raison simple qui est que, depuis un siècle et demi, ses livres se sont fait rares dans les devantures des librairies que Bayle a pourtant tant aimé fréquenter. Est-ce parce que sa pensée aurait cessé de nous concerner, enfouie qu'elle serait dans des polémiques religieuses d'un autre âge ou encombrée par la lourde érudition de son Dictionnaire ? Éric Weil émet une autre hypothèse : «Son tort est d'être trop actuel, trop proche de nous. Il nous vexe, il nous irrite, il nous agace, nous qui, de nouveau, sommes des orthodoxes...»
Et, de fait, lire Bayle aujourd'hui redevient sans doute une urgence. En effet, avec ce que beaucoup ont salué, bien imprudemment, comme une mort des idéologies, s'est ouverte une période où les bien-pensants triomphent sans combats, où les certitudes les plus tendancieuses dominent sans examens, où les fanatismes les plus brutaux gangrènent de nouveau nos sociétés. Notre époque souffre, sans bien s'en rendre compte, d'une vulnérabilité extrême vis-à-vis de toutes les formes de manipulation des consciences, ayant perdu le goût de l'impertinence.
Or ce qu'avait apporté Bayle, en cette fin interminable du règne de Louis XIV, c'était un ton nouveau. Il sut, seul alors, parler légèrement de choses sérieuses et difficiles, démonter, comme en se jouant, une argumentation spécieuse, mêler anecdotes amusantes et polémiques ardues. Tout un public nouveau accédait, grâce à lui, à des débats d'idées qui restaient trop souvent le privilège des professionnels de la République des Lettres. Jacques Brunschwig a résumé en une formule cet «effet Bayle» : «Il fit des idées, comme personne peut-être avant lui, quelque chose d'excitant ; il apprit à ses lecteurs à jouer avec elles comme avec des fruits à demi défendus».
Conjointement à ce style nouveau, Bayle ouvrait une brèche dans les certitudes antagonistes de son temps et ses oeuvres allaient être, de ce fait, l'objet d'un engouement extraordinaire à l'aube du XVIIIe siècle. Daniel Mornet rappelle ainsi opportunément que «le grand livre du siècle, pour un certain public tout au moins, c'est le Dictionnaire de Bayle.» Tout le monde lit Bayle alors, des têtes couronnées comme Sophie-Charlotte, électrice de Brandebourg puis reine de Prusse ou la Grande Catherine de Russie, aux simples lettrées comme Mme de Warens qui, selon Rousseau, «ne parlait que de Bayle». Les philosophes ne sont pas de reste : la Théodicée de Leibniz sera tout entière consacrée à une réfutation des grands articles sur le mal (Manichéens et Pauliciens) du Dictionnaire historique et critique. On sait enfin combien Voltaire fut un lecteur assidu de ce même Dictionnaire. Bayle a donc été l'un des artisans les plus actifs de cette «crise de la conscience européenne», c'est-à-dire de cette grande rupture qui, en quelques années, au tournant des deux siècles, a favorisé l'émergence d'une nouvelle culture et d'une nouvelle société.

Présentation de l'éditeur :

Le 15 octobre 1685, la révocation de lÉdit de Nantes est signée à Fontainebleau par Louis XIV, mettant fin à une situation exceptionnelle en Europe : deux confessions religieuses cohabitant de droit, sous un même pouvoir politique. En octobre 1686, Bayle fait paraître les deux premières parties du Commentaire philosophique sur les paroles de Jésus-Christ, Contrains-les dentrer, où lon prouve par plusieurs raisons démonstratives, quil ny a rien de plus abominable que de faire des conversions par la contrainte : et où lon réfute tous les sophismes des convertisseurs à contrainte, & lapologie que St. Augustin a faite des persécutions. Cest donc un livre écrit dans lurgence, mais qui affronte aussi lévénement dans sa dimension universelle : il sagit, en fait, de lune des rares tentatives historiques de fonder philosophiquement la tolérance. Il garde ainsi toute sa virulence face à la menace endémique du fanatisme religieux sous toutes ses formes. En conséquence, cette édition a eu un double souci : inscrire louvrage dans les débats de son temps, tout en interrogeant la pertinence philosophique de son propos. Cest en effet un texte dune audace exceptionnelle pour son époque, mais qui nhésite pas à soulever les difficultés spécifiques de cette «vertu» très particulière. Bayle énonce et cherche à fonder moralement les «droits de la conscience errante», mais sinterroge aussi sur la délicate question de leurs limites. Ainsi ce plaidoyer pour une tolérance absolue savère être, en même temps, un des questionnements les plus radicaux sur la nature du fait religieux et de ses dérives quasi inévitables.

À propos de cette édition

• Éditeur: Honoré Champion
• Date d'édition: 2014
• ISBN 10: 2745328719
• ISBN 13: 9782745328717
• Reliure: Broché
• Nombre de pages: 368