Extrait :
L'Université populaire formule, dans notre époque de fin de civilisation et de décomposition politique avancée, une proposition philosophique en dehors des lieux institutionnels d'exercice et de pratique habituels de la discipline. L'Université populaire de Caen voit le jour en 2002, elle procède d'un constat politique, au sens noble du terme, et répond à une situation de politique politicienne : la présence d'un candidat d'extrême droite au second tour d'une élection présidentielle au suffrage universel direct.
Les inquiétudes d'un Auguste Blanqui sur la pertinence du principe du suffrage universel dans le cas, en son temps, d'un peuple illettré, inculte, entretenu dans l'obscurantisme par la monarchie et le catholicisme complices, mais appelé à donner son avis lors d'une consultation électorale, se retrouvaient, à mon avis, dans la configuration postmoderne d'un peuple illettré, inculte, entretenu dans l'obscurantisme par le système économique libéral présenté comme l'horizon indépassable par la droite et la gauche de gouvernement.
Au moment de l'affaire Dreyfus, l'antisémitisme a été analysé comme le produit d'un peuple insuffisamment éclairé. Georges Deherme a créé les universités populaires en 1896 pour dissiper cette indigence intellectuelle en envoyant la fine fleur du savoir, de la culture, de la philosophie, de la science, au contact de la classe ouvrière pour l'éduquer, l'instruire. L'initiative, en ce sens, procédait de l'idéal révolutionnaire des Lumières d'un Condorcet. En effet, ses Mémoires sur l'instruction publique invitent à prendre à la lettre le préambule de la Déclaration des droits de l'homme selon lequel «l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements». Ce qui suppose, conséquemment, la nécessité de travailler à la promotion des droits de l'homme. Comment ? Condorcet donne le mode d'emploi : en développant «une instruction qui rende la raison populaire». L'idéal des Lumières animait Condorcet, l'auteur de l'Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain ; il insufflait l'énergie créatrice d'un Georges Deherme qui pose les bases de la première université populaire (UP) dans le contexte de l'affaire Dreyfus ; il me semblait que ce même idéal, inchangé dans son principe, pouvait présider à la création de cette seconde vie pour des UP porteuses nouvelles de l'ancien idéal des Lumières. Cette initiative suppose qu'on souscrive à deux propositions : l'ignorance enchaîne et le savoir libère. (...)
Présentation de l'éditeur :
«Généreux amis de l'égalité, de la liberté, réunissez-vous pour obtenir de la puissance publique une instruction qui rende la raison populaire» : en créant en 2002 l'université populaire de Caen, Michel Onfray s'inscrit dans la droite ligne de cet idéal des Lumières cher à Condorcet.
À la demande toujours croissante de philosophie, il répond par une invitation au dialogue, à l'exploration de savoirs ignorés, à l'édification existentielle à travers le réel matériel, à l'interaction entre la théorie et la pratique et au partage entre amis, dans un but philosophique commun : se faire libre.
Plus enthousiaste et percutant que jamais, Michel Onfray explique, défend et revendique ce projet un peu fou, devenu un incroyable succès... populaire.
Michel Onfray est philosophe et écrivain. Auteur d'une cinquantaine d'ouvrages, il a créé l'Université populaire de Caen en octobre 2002 et l'Université populaire du goût à Argentan en 2006.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.