Extrait :
Extrait du prologue
Il y a deux SNCF : celle qui a résisté et celle qui a trahi.
La direction générale de la SNCF était non seulement informée des déportations dans les moindres et sinistres détails, mais elle y a activement participé. Et s'est fait payer pour déporter. Son seul souci était que les trains soient constitués discrètement, si possible sans être vus, loin des gares, de nuit et rigoureusement à l'heure.
Les hommes, alors dénommés «nouveaux», qui, en été 1940, profitant de la défaite de notre pays se sont emparés du pouvoir à la tête de la SNCF et au sommet de l'État, étaient antirépublicains, antisémites, opposés aux fondements du droit français et, pour beaucoup d'entre eux, moralement proches des nazis. Ils ont même contribué directement à la spoliation et à la persécution des Juifs et à la lutte contre la Résistance. Ces «grands commis» indignes, qui ont pendant quatre ans pourchassé les cheminots résistants et les ont même dénoncés à la Gestapo et à la Wehrmacht, ont été félicités dès la Libération par le CNR (Conseil national de la Résistance) pour leur «résistance».
Le président de la SNCF, Pierre-Eugène Fournier, inspecteur des Finances, qui a fondé et dirigé l'organisme de spoliation et de persécution des commerçants juifs, le SCAP (Service de contrôle des administrateurs provisoires des biens juifs saisis), a travaillé main dans la main avec Pierre Laval à l'organisation méticuleuse de la déportation. La spoliation a constitué une étape vers la Shoah.
Des documents ont été brûlés. Une partie a pu être récupérée et sauvée grâce, notamment, aux archives allemandes disséquées à la loupe par un chercheur du CNRS : Christian Bachelier.
À la Libération, Pierre-Eugène Fournier, président de la SNCF venant de la Banque de France, a non seulement été félicité par le CNR pour son activité de «résistance» mais, par-dessus le marché, a été prorogé pendant deux ans à la tête de l'entreprise SNCF, le temps de maquiller l'Histoire. Aucun compte ne lui a jamais été demandé ni à lui ni à son état-major sur les déportations des Juifs et des «politiques». Même Louis Armand, le grand patron du rail d'après-guerre, lui-même véritable résistant (cofondateur avec Jean-Guy Bernard de Résistance-Fer sous l'Occupation), n'a rien voulu voir ni savoir du comportement de certains camarades de Polytechnique qui, comme Jean Bichelonne, ont pactisé avec l'ennemi. Quant au directeur général, Robert Le Besnerais, lui aussi polytechnicien, qui a invité les cheminots à dénoncer leurs camarades résistants directement à l'occupant, il a pu achever calmement sa carrière et bénéficier d'une confortable retraite. La solidarité des polytechniciens l'a aidé à s'abriter. Les communistes, à la Libération, l'appelaient «le fusilleur des patriotes».
L'héroïsme authentique des cheminots qui ont apporté au prix de leur sang (8938 tués dont 809 fusillés, 1157 morts en déportation, 15977 blessés) une aide considérable à la Résistance et à la victoire commune des Alliés, a servi à masquer la trahison des hauts dirigeants de la SNCF qui raisonnaient comme Jean Jardin, directeur de cabinet de Pierre Laval : persécuter soi-même les gens pour éviter qu'ils le soient par les nazis. En quelque sorte, se dévouer à les sacrifier pour mieux les préserver. C'était également la pensée du «maréchal», sacrifier et se sacrifier.
Jean Jardin était d'ailleurs passé lui-même par la SNCF comme l'«X» Bichelonne, grand dirigeant du rail, qui aimait tellement les nazis qu'il est parti avec eux à l'été 1944 pour appuyer encore leur ultime combat.
Léon Bronchart, le cheminot qui est au coeur de ce livre, le héros qui a refusé de conduire un train de déportés puis, quelque temps après, qui a catégoriquement repoussé l'ordre de prendre en charge un convoi de troupes allemandes et l'a proclamé publiquement, Léon Bronchart, le résistant cacheur de Juifs qui a travaillé avec Londres-SOE (Spécial Opération Executive), les corps francs, Jacques et Mireille Renouvin, Jean-Guy Bernard, Résistance-Fer, René La Combe, Max Heilbronn des Galeries Lafayette et du «Plan vert», Edmond Michelet, l'abbé Alvitre, Henry Frenay, Serge Asher dit Ravanel, Bertie Albrecht, Martial Brigouleix, Raymond Farro, l'AS (Armée secrète), le BRO (Bureau de résistance ouvrière) les FTP (Francs-tireurs et Partisans) et les communistes, Léon Bronchart a été volontairement oublié par la SNCF.
Présentation de l'éditeur :
La SNCF a collaboré étroitement avec les nazis. 150 000 personnes environ ont été déportées, dont 14 000 enfants juifs. Elle a agi de concert avec la police, la gendarmerie, l'administration préfectorale, toutes subordonnées à l'ennemi sur l'ordre de Vichy. Le président de la SNCF, nommé dès l'été 1940, a fondé et présidé un organisme qui a spolié et pillé pendant plusieurs mois des commerçants juifs. Le directeur général de la SNCF a traité ses agents résistants de " terroristes " et a incité les cheminots à se dénoncer mutuellement. Pourtant, ces deux dirigeants seront félicités pour leur " résistance ", à la Libération, par le Conseil national de la Résistance ! Mais le peuple cheminot, lui, s'est placé au cœur de la lutte contre l'occupant. Au péril de leur vie, dès 1940, les résistants du rail ont aidé les prisonniers évadés et les Alsaciens-Lorrains à " passer les lignes ", puis ils ont secouru les Juifs, les communistes espagnols et tous les déportés. Les agents de la SNCF ont joué un rôle éminent à l'heure de la bataille ultime et donné un formidable coup de main à la libération de notre pays et à la victoire des Alliés. Mais pouvaient-ils tous, tel le héros révélé par ce livre, Léon Bronchart, refuser de conduire un train vers " la nuit et le brouillard ", la Shoah, dont la plupart ignoraient l'existence ?
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