Extrait :
Extrait de l'introduction :
Depuis plus de dix ans, la question de la «délinquance des mineurs» occupe de manière récurrente le débat public et les thématiques électorales. Tout se passe comme si les «jeunes» - la notion reste floue - constituaient la principale menace à l'ordre public, à la sécurité des citoyens et à la tranquillité de la société : la jeunesse devient dès lors l'une des principales cibles des politiques de sécurité. Un examen approfondi de la question montrerait sans difficulté que les mineurs ne sont pas les délinquants les plus menaçants, que la très grande majorité de la jeunesse actuelle est respectueuse de la loi et des normes qui organisent la société contemporaine, et que cette crainte envers une jeunesse déviante est un phénomène très ancien. Les citoyens d'aujourd'hui n'aiment-ils pas la jeunesse, pour la considérer de la sorte comme la principale source de menace de leur sécurité ? Les raisons d'une telle défiance sont plutôt à chercher dans le statut très symbolique de la jeunesse moderne : entre une enfance sacralisée, une adolescence qui ne cesse de se prolonger, une jeunesse valorisée par les normes dominantes (celles de la consommation, du travail, de la santé, de la performance sportive, etc.) et l'avenir de la société dont elle est investie. Aussi les moindres déviances d'une telle classe d'âge surchargée en valeurs acquièrent-elles une dimension particulièrement inquiétante.
C'est en tout cas le statut d'enfant à éduquer et d'adulte en devenir qui a justifié, au cours des siècles passés, que le traitement des déviances provenant des mineurs fasse l'objet d'un régime spécifique. Celui-ci n'a pas toujours été clément, mais il a tenu compte de ce statut de citoyen en formation. Or, malgré l'importance que le traitement des jeunes contrevenants a acquise dans les discours politiques, la justice des mineurs est fort mal connue non seulement du grand public mais également des acteurs politiques eux-mêmes. Ainsi, les membres de la commission sénatoriale qui s'est penchée sur la question en 2001 ont-ils admis qu'ils découvraient les subtilités et l'intérêt d'un domaine à propos duquel ils partageaient de nombreux a priori. La justice des mineurs est une boîte noire, certes complexe, sur laquelle pèsent des soupçons contradictoires : tantôt d'un grand laxisme envers des jeunes délinquants qui seraient surprotégés par des magistrats et des éducateurs trop complaisants, tantôt d'un excès de sévérité, comme en témoigneraient le surcroît d'incarcération de mineurs et la création actuelle d'établissements fermés. De fait, le système de traitement pénal des déviances de mineurs est assez spécifique à la France, permettant à la fois de prendre en charge des jeunes ayant commis des infractions en termes d'assistance éducative destinée aux mineurs en danger et de les incarcérer dans les prisons d'adultes (quoique dans un quartier séparé). Et entre ces deux extrêmes, maintes possibilités d'interventions, à la fois de protection, d'éducation et de sanction.
Présentation de l'éditeur :
La «délinquance des jeunes» ne cesse d'être une préoccupation de la société contemporaine. Elle est devenue aujourd'hui un objet majeur des politiques de sécurité publique, et le système de réponse pénale pour les mineurs fait l'objet de réformes à chaque nouvelle législature, afin d'en finir avec la prétendue complaisance de l'Ordonnance du 2 février 1945 qui serait inadaptée aujourd'hui et laisserait les mineurs dans l'impunité. Pourtant le système français de justice des mineurs est beaucoup plus sévère qu'on pourrait le penser, et sa dimension répressive n'a cessé de s'accentuer, au point de dégager une double figure de la jeunesse irrégulière : celle d'un enfant menacé par la malveillance des adultes et celle d'un adolescent menaçant l'ordre social.
Longtemps considérée comme un laboratoire pour l'expérimentation de formes nouvelles de traitement de la criminalité, la justice des mineurs a développé des conceptions spécifiques en la matière. C'est à ces conceptions destinées à remettre dans le «droit chemin» une jeunesse égarée dans des comportements déviants que le livre s'intéresse. Sans insister sur la dimension juridique ni sur une interprétation des causes de ces déviances, il examine les logiques d'intervention qui ont animé l'ensemble des acteurs professionnels dans le domaine : magistrats, travailleurs sociaux, psychologues...
Trois périodes se dessinent : celle de la correction disciplinaire, celle du paternalisme clinique et celle de la responsabilisation personnelle. Autant d'approches initiées par des réflexions théoriques et expérimentales, qui recèlent des modèles éducatifs et pédagogiques alternatifs à la répression pure. L'ouvrage entreprend de la sorte de réaliser, dans un style très abordable, une sociologie de l'action publique permettant au lecteur praticien, enseignant ou simplement intéressé par ces questions, de mieux saisir les enjeux sous-jacents aux évolutions actuelles de la justice des mineurs, dans un contexte international.
Philip Milburn est professeur de sociologie à l'université de Versailles Saint-Quentin, membre du laboratoire Printemps CNRS.
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