Cliniques paroles de praticiens en institution 02 - De l'effraction au traumatisme

COLLECTIF

ISBN 10 : 2749214645 ISBN 13 : 9782749214641

Editeur : ERES, 2011

A propos du livre

Extrait :

La lettre de Patrick de Saint-Jacob

Directeur de la Division psychiatrie Clinéa

«Ce qui est le premier dans la pensée, c'est l'effraction, la violence, car une pensée qui ne fait de mal à personne, ni à celui qui pense, ni aux autres est à peine une pensée...» Cette pensée de Gilles Deleuze, philosophe contemporain du XXe siècle, nous laisse à méditer qu'au-delà du trauma, l'effraction est déjà en nous, dans le quotidien de nos pensées qui jalonnent notre activité humaine.
En droit, l'ancien code pénal nous indique qu'est qualifié d'effraction tout forcement, toute rupture, dégradation, démolition... voilà un parallèle saisissant avec l'effraction psychique que nous traitons en clinique, effraction inattendue, intrusive, blessante pour l'intimité du sujet...
Il est également intéressant de noter qu'après avoir connu un âge d'or jusqu'à la fin du Moyen Âge, les victimes sont tombées dans les oubliettes du système de justice pénale durant de longs siècles. Ce n'est que depuis quelques années qu'un cadre normatif respectueux de leurs droits se construit tant aux niveaux international, régional que national. Cette notion est importante, pour ne pas dire essentielle, car trop souvent la société refusait d'entendre, ou minorait, ce qui n'était pas entendable de la bouche de la victime ; les abus sexuels en étant l'exemple le plus significatif et d'une troublante actualité.
L'effraction implique donc, de fait, très souvent un traumatisme, le sujet ayant vécu une expérience hors du (de son) commun, menaçant son intégrité physique et psychique ; les phénomènes d'inhibition sont souvent le corollaire de ce traumatisme, pouvant aller jusqu'à l'exclusion.
Cette effraction, que fait subir le réel à la pensée, induit souvent une sévère dépression dont la «guérison» s'amorce à l'aide de médicaments psychotropes, de molécules psycho-actives... Si cela était suffisant, nous ne serions pas en train d'écrire ces lignes... C'est là qu'interviennent les psychologues en étayage de ce processus initié et rythmé par le médecin psychiatre et l'ensemble des praticiens de l'institution afin de réintégrer l'histoire singulière du sujet dans le processus de soin.
Les praticiens, psychologues, psychiatres et psychanalystes le savent bien, l'effraction n'est pas toujours traumatisme direct du sujet avec l'objet effractant, mais peut être induite, «à distance», individuelle ou collective, laissant des traces physiques ou simplement quelques scories psychiques... Cette effraction peut être salutaire quant elle s'inscrit dans une dynamique de résilience, résilience chère au psychiatre Boris Cyrulnik qui nous explique, en citant le cas de plusieurs adolescents ayant eu une enfance très douloureuse, que ceux qui avaient échoué dans ce processus de résilience n'étaient pas ceux qui avaient été le plus agressés, mais ceux qui, trop isolés, avaient été le moins soutenus.
Dans la même dynamique, Gustave-Nicolas Fischer nous dit : «[...] toute situation extrême, en tant que processus de destruction de la vie, renferme paradoxalement un potentiel de vie, précisément là où la vie s'était brisée [...] le ressort invisible [...] permet de rebondir dans l'épreuve en faisant de l'obstacle un tremplin, de la fragilité une richesse, de la faiblesse une force, des impossibilités un ensemble des possibles». Voilà, au fond, sans optimisme béat, des propos rassurants quant à l'utilité, si d'aucuns en doutaient, d'une prise en charge clinique de qualité.
Comment aider un être humain qui a été effracté ? Comment l'aider à sauvegarder sa dignité à restaurer sa psyché meurtrie quelquefois jusqu'à la dilacération ?

(...)

Présentation de l'éditeur :

«L'effraction traumatique commence souvent là où les capacités de liaison de l'appareil psychique individuel ou groupal sont débordées, laissant ce dernier dans un état de sidération, d'effroi, de grande détresse... De la brèche à l'invasion débordante, de l'effraction du pare-excitation à sa mise hors-circuit, lorsque psyché et soma sont effractés, désunifiés, désintriqués : comment l'Institution et ses protagonistes font-ils face ? Quel destin pour ce temps suspendu qui ne parvient pas à reprendre son cours ? Que penser de ce moment marqué qui n'arrive plus à s'écouler ? Comment contenir cette surchauffe qui surcharge et submerge les appareils à penser et les dispositifs de soin ? A travers leurs expériences cliniques au sein de structures de soins diverses, les auteurs discutent cette notion et donnent à voir une clinique où il s'agit souvent d'accompagner individu et institution à reprendre le cours de leur histoire après l'arrêt brutal qu'impose le plus souvent la brèche effractante.

Ont participé à ce numéro : Simona ALBU-LEOST - Garance BELAMICH - Charlotte COSTANTINO - Pierre Georges DESPIERRE - Mathilde DU COLOMBIER - Elisabeth FERREIRA - Roland HAVAS - Diane IBLED - Daniel IRAGO - Francis KATCHADOURIAN - Nathalie LAFORET - Anne-Marie SILES -

À propos de cette édition

• Éditeur: ERES
• Date d'édition: 2011
• ISBN 10: 2749214645
• ISBN 13: 9782749214641
• Reliure: Fournitures diverses
• Nombre de pages: 192