Extrait :
Extrait de l'introduction de Emmanuel Hirsch
Fragilité et vulnérabilité de nos positions face à la mort
«L'accompagnement éthique, c'est affirmer la permanence de la personne humaine en toutes circonstances, même les plus dégradées.» Plan Alzheimer et maladies apparentées, 2008-2012.
UNE EXISTENCE RESPECTÉE JUSQU'À SA FIN
Il n'est ni mérite ni démérite dans la fragilité et la vulnérabilité de nos positions face à la mort. Là où l'humanité d'une sollicitude est plus attendue que la rigidité de postures dogmatiques, la dignité échappe aux considérations théoriques, et nos idéaux ont moins de prix que la valeur d'une relation et l'humanité du signe adressé par celui qui ne déserte pas. Il ne faut pas compromettre définitivement les quelques raisons qui permettent d'espérer encore de la vie et d'attendre de ses derniers instants l'accomplissement d'une existence respectée jusqu'à sa fin.
S'il est une liberté à reconquérir, elle ne saurait se limiter à la revendication de l'autodétermination de la mort. Le droit de bénéficier d'une position maintenue dans la préoccupation des vivants, de conditions d'accompagnement dignes de l'idée d'humanité, constitue un enjeu que j'estime plus déterminant que l'organisation du dispositif favorisant l'octroi d'une euthanasie. Il s'agit là d'une responsabilité qui saisit notre société dans sa capacité d'affirmer le sens ultime du lien et de la fraternité. C'est dire à quel point ses réponses s'avèrent essentielles et relèvent d'une obligation morale forte, d'engagements cohérents qui ne sauraient se satisfaire du registre compassionnel ou des formules incantatoires indifférentes à la vérité et à la singularité des circonstances.
Les controverses suscitées par les représentations médiatisées et forcément dramatisées de certaines fins de vie altèrent la capacité de vigilance et la nécessaire pondération qui s'avèrent indispensables au maintien des quelques principes susceptibles d'éviter que ne s'accentuent les équivoques et les systématismes, avec leurs dérives que l'on ne maîtriserait plus. Il nous faut résister aux tentations d'une résolution hâtive des quelques circonstances qui provoquent, à juste titre, nos consciences exposées à des approches parfois inacceptables ou insatisfaisantes des conditions de fins de vie médicalisées.
La limitation ou l'arrêt de traitement imposent d'autres mentalités que celles du désinvestissement, de la relégation ou, faute de mieux, de la mort assistée.
Biographie de l'auteur :
Emmanuel Hirsch est directeur de l'Espace éthique/Assistance publique - Hôpitaux de Paris, professeur d'éthique médicale à la Faculté de médecine, université Paris-Sud 11 (dont il dirige le département de recherche en éthique)
L'Espace éthique/AP-HP est considéré en France comme l'un des centres universitaires d'éthique biomédicale les plus réputés (il fait partie des 5 centres collaborateurs pour la bioéthique de l'Organisation mondiale de la santé). C'est ainsi que s'est constitué à travers les années un réseau de compétences associant à la fois des professionnels de santé, des chercheurs en sciences humaines et sociales, des responsables institutionnels et politiques qui sont impliqués dans la conception de ce Traité de bioéthique.
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