Extrait :
Extrait de l'introduction de Patricia Denat, assistante maternelle Mondonville (31)
«Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours...»
Marguerite Duras
Si c'est «par hasard» que je suis arrivée dans cette profession d'assistante maternelle, ce n'est plus par hasard que j'ai persisté, «accrochée» par ces tout-petits à qui j'étais sûre d'apporter le meilleur, prétentieuse que j'étais. Forte de mes certitudes de jeune maman, j'étais loin de soupçonner les subtilités de cette profession, de ces histoires qui allaient se nouer sous mes yeux, s'enchevêtrer dans mon coeur, pour en faire sortir des émotions insoupçonnées, des envies de mieux faire, mieux être, avec eux, pour eux. Mes premières années ne furent que balbutiements, tâtonnements..., et il en a fallu du chemin et du temps pour intégrer peu à peu la portée de ces mots prononcés innocemment, de ces pleurs auxquels je n'ai pas toujours su répondre, de ces regards interrogateurs qui m'interpellaient sans détours, ce que m'ont raconté ces premiers bébés et leurs parents dans leur manière toute personnelle de vivre leur famille, ce qu'ils m'ont transmis de leurs émotions, leurs propres incertitudes, leurs convictions, leurs rêves... C'est tout cela, essentiellement, qui a fait de moi l'assistante maternelle que je suis aujourd'hui. Françoise Dolto elle-même disait : «Ce sont les enfants qui me l'ont appris...»
J'ai assisté, plus observatrice qu'actrice au début, à ces évolutions qui nous menaient tout doucement vers un statut de véritable professionnelle :
- formation obligatoire de 60 heures en 1992 ;
- renforcement du statut par la loi du 27 juin 2005;
- renforcement de la formation à 120 heures en 2006 ;
- accès à la formation continue ;
- développement des relais assistantes maternelles (ram)...
Les assistantes maternelles d'aujourd'hui ont des droits, c'est indéniable, mais aussi des devoirs. Et déjà surgissent les premières difficultés de cette profession en pleine mutation. Des difficultés qui relèvent de l'ambiguïté de notre métier : nous sommes assistantes maternelles indépendantes, nous exerçons à domicile, en «toute liberté», et nous vivons notre vie au gré des liens si étroits qui se tissent souvent avec les enfants que nous accueillons et avec leurs parents. Pourtant, comme tout autre professionnel, nous sommes soumises à un cadre, des lois, des obligations, qui nous sont bien rappelés lors de la procédure d'agrément, lors de la formation, mais qui ont tendance à s'éloigner aussi sûrement que s'installe la routine des journées d'accueil. Les visites des puéricultrices se font rares de nos jours, et elles sont bien souvent mal perçues, voire mal vécues. Par leur «absence» (trop de travail, pas assez de personnel, des assistantes maternelles toujours plus nombreuses...), elles se font «oublier», et le dialogue s'appauvrit, creusant un fossé entre les professionnelles «de terrain» et les instances qui les régissent. Comment restaurer une confiance avec nos puéricultrices de secteur ? Comment renouer des liens de professionnels à professionnels qui nous permettraient de travailler en véritable partenariat plutôt que dans la défiance ?
... Peut-être en nous reconnaissant nous-mêmes comme des professionnelles, en allant à leur rencontre, en imposant cette volonté d'être perçues comme telles, parce que nous sommes aujourd'hui formées et en formation, parce que nous allons au-devant de notre propre évolution, en demandant une formation plus adaptée, plus accessible, un accompagnement pour mieux faire et mieux être avec les familles que nous accueillons.
Présentation de l'éditeur :
Les assistantes maternel(le)s (plus de 350 000 en activité en 2013) accueillent la majorité des jeunes enfants, confiés hors du domicile familial : c'est en effet le mode d'accueil le plus développé en France, bien avant la crèche (273 000 enfants de moins de trois ans en profitent). Pourtant ils, ou plutôt, elles - car ce métier à la fois invisible et familier est à 99,5 % féminin - restent méconnues. Elles n'ont aujourd'hui plus grand chose à voir avec les nourrices d'autrefois, et bénéficient d'avantages statutaires inscrits dans la loi. La loi de 1977 crée le statut d'assistante maternelle ; la loi de 1992 impose aux départements de leur dispenser une formation «d'une durée minimale de 60 h» et revalorise leur salaire ; la loi de 2005 institue le métier d'assistant maternel agréé (au masculin), introduit une obligation de formation de cent vingt heures et précise, par référentiel, les capacités et les compétences exigées pour l'exercice de leur métier (référentiel fixant les critères d'agrément renouvelé en 2012). Pour autant, elles ont toujours le sentiment que leur travail n'est pas reconnu et leur situation économique reste souvent précaire. Spirale va à la rencontre de ce «grand métier» qui est devenu une profession à part entière, même si, trop souvent encore, elle est considérée comme une profession à part.
Avec les contributions de : Jean-Robert Appell, Malou Argentan, Béatrice Avakian, Fatima Belkacem, Véronique Berthou, Patricia Bondéelle Leyter, Suzon Bosse-Platière, Gilles Brandibas, Michel Briex, Patricia Denat, Joëlle Drouant, Jean-Marc Dulon, Hélène Dutertre-Le Poncin, Christine Fancello, Isabelle Fouquet, Jacky Israël, Marion L'Huillier, Sophie L'Huillier, Catherine Le Boucher, Claire Mestre, Gérard Neyrand, Louise Poche, Régine Prieur, Miriam Rasse, Dominique Râteau, Mireille Sabatié, Véronique Schrive, Roseline Vidoni.
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