Extrait :
Extrait de l'introduction de Michèle Emmanuelli et Estelle Louët
L'intérêt que nous portons à la névrose obsessionnelle, et qui sous-tend la publication de cet ouvrage, tient d'abord au souci de ne pas laisser, pour deux motifs différents, disparaître des préoccupations cliniques celles qui concernent les troubles névrotiques.
Le premier motif, militant, relève d'une mobilisation des cliniciens d'orientation psychanalytique contre le raz de marée DSM qui, morcelant l'approche du patient, se focalisant sur une symptomatologie visible, bien souvent comportementale, escamote la névrose des classifications, tout comme il escamote les notions de conflit psychique et d'inconscient. Le texte de Gilbert Diatkine montre magistralement les impasses où nous conduit une telle position, ainsi que la nécessité de maintenir vivante notre approche.
Le second motif concerne la place si importante qu'occupent depuis plusieurs années les troubles limites, aussi bien chez l'adulte que chez l'enfant et l'adolescent. Si l'on ne peut nier leur prévalence actuelle, il nous faut rester attentifs à ne pas y faire glisser toute organisation psychopathologique présentant une hétérogénéité relative. Les troubles limites, il faut encore le redire, ne constituent pas une entité psychopathologique fourre -tout, ni ceci ni cela, à la frontière de la névrose et de la psychose, définie par la présence d'éléments appartenant à l'une et l'autre de ces organisations : les travaux menés depuis de nombreuses années, chez l'adulte, l'adolescent, l'enfant (citons en particulier ici l'oeuvre de Roger Mises, dont son ouvrage sur Les pathologies limites de l'enfance, 1990), ont permis de les définir et de les décrire selon leurs caractéristiques propres.
Paradoxalement, une certaine idéalisation de la névrose comme fonctionnement entièrement sous le registre du conflit oedipien, totalement soutenu par des mécanismes de défense évolués, pourrait par ailleurs conduire à en ignorer de nombreuses traductions.
Rappelons aussi, chez l'enfant, la distinction aujourd'hui bien connue que propose Serge Lebovici (1980), pour prolonger et clarifier les travaux de Freud, et en particulier l'observation du petit Hans (1909), entre névrose infantile, modèle de développement, et névrose de l'enfant, processus psychopathologique et réalité clinique. Elle a été, depuis, largement reprise. Annie Birraux, rappelant les symptômes de Hans, les range dans le registre de la névrose infantile du fait de leur fonction organisatrice, de l'absence de régression libidinale qui les accompagne, et de leur organisation dynamique autour de la rivalité avec le père. Pour Paul Denis (2011), la névrose infantile correspond à l'organisation de la période de latence.
Reste, lors de nos rencontres avec l'enfant, à parvenir à faire la part de ce qui est pris dans les turbulences de la névrose infantile - car le cas de Hans nous montre bien l'intensité de ses entraves passagères - et de ce qui s'inscrit dans un trouble plus accentué, plus constitué, plus durable, même si son évolution reste difficile à prédire : les études longitudinales montrent en effet que les névroses de l'enfant ne s'organisent pas toujours en névrose au fil du développement.
Présentation de l'éditeur :
La question de la névrose se pose encore aujourd'hui, en dépit des apparences : en effet, masqué le plus souvent par les troubles plus actuels, ou escamoté par la disparition du terme de névrose dans le DSM, le fonctionnement névrotique n'en continue pas moins à exister. Dans ce domaine, les troubles du registre obsessionnel, chez l'enfant et l'adolescent, posent avec une acuité particulière la question du diagnostic différentiel - étroitement associée à celle du pronostic.
Quels fonctionnements psychiques, quelles organisations psychopathologiques trouve-t-on derrière les manifestations du registre obsessionnel, aujourd'hui décrites en termes de TOC ? Quel devenir pour ces enfants et ces adolescents ?
Le bilan psychologique, entendu dans toute sa complexité, grâce à la subtilité avec laquelle il appréhende les différentes facettes de la personnalité, offre un apport précieux pour la compréhension de ces troubles et une aide au diagnostic et aux propositions de prise en charge. Cet ouvrage, articulant théorie psychanalytique et clinique du bilan, en offre une illustration éclairante.
Michèle Emmanuelli est psychologue clinicienne, psychanalyste, membre de la SPP, professeur de psychologie clinique et de psychopathologie à l'Institut de psychologie, université Paris-Descartes. Elle est présidente de l'association Clinique des apprentissages (CLINAP) et de la Société du Rorschach et des méthodes projectives de langue française.
Estelle Louët est psychologue clinicienne, maître de conférences en psychologie clinique. Institut de psychologie, université Paris-Descartes.
Avec la participation de : Gilbert Diatkine, Manuella De Luca, Teresa Rebelo, Catherine Weismann-Arcache.
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