Présentation de l'éditeur :
La chevalerie présente deux acceptions, l'une sociale et l'autre
idéologique. D'une part, le groupe aristocratique des
combattants à cheval, et d'autre part les valeurs qui lui
imposent des comportements spécifiques. Devons-nous la
mêler inextricablement au christianisme? Les penseurs des
mie et mue siècles justifient la prépondérance sociale des
chevaliers par le péché d'Adam et la rupture de l'harmonie
originelle qu'il entraîne. Ils considèrent que les miles "élu
parmi mille", selon l'étymologie d'Isidore de Séville ont pour
vocation divine de défendre le faible et de faire régner la
justice, instaurant par les armes la paix. Cette théologie
politique marque l'évolution de l'adoubement, qui emprunte
alors à l'onction royale et aux sacrements chrétiens bien des
éléments de son rituel. En recevant l'épée, dûment bénie, et la
colée, le nouveau chevalier intègre un ordre, tout comme le
clerc est ordonné. La prédication lui rappelle les devoirs
spécifiques de l'état qu'il vient d'adopter, en particulier de
mitiger sa violence et d'exercer sa puissance avec droiture et
modération. Elle l'encourage à partir en croisade pour défendre
la Chrétienté. Jusqu'aux années 1990, dans leurs analyses sur
la chevalerie, les historiens ont repris la trame du discours
normatif des clercs, que nous venons brièvement de présenter.
Ils ont tenu pour vraisemblable l'influence extérieure de
l'Eglise dans la mitigation de la violence nobiliaire, grâce à
l'influence sur le code chevaleresque de la Paix de Dieu et plus
largement du message évangélique. Depuis les vingt dernières
années, d'autres spécialistes remettent en cause ce modèle,
remarquant la nature idéale des discours des clercs médiévaux
sur la chevalerie, qu'il conviendrait de déconstruire. Ils
adoptent l'anthropologie culturelle pour méthode afin de
conclure que, tout au long du Moyen Age et de façon
endogène, la société guerrière produit ses propres codes de
conduite pour épargner les vies de ses membres dans les
combats, pour augmenter son honneur et pour affirmer sa
domination sur la paysannerie. Toute superficielle, la
religiosité des chevaliers ne serait donc pour rien dans
l'autocontrôle de leur violence. Le débat apparaît en toile de
fond du présent ouvrage, où les meilleurs spécialistes de la
question se penchent sur les rapports complexes et paradoxaux
entre le christianisme et les guerriers nobiliaires. Ils analysent
ainsi autant la piété chevaleresque que la part de l'Eglise dans
la guerre menée par l'aristocratie au cours d'une période
charnière, où les normes, mentalités et conduites connaissent
de profonds bouleversements.
Biographie de l'auteur :
Martin Aurell, professeur d'histoire médiévale à l'université de
Poitiers, membre de l'Institut universitaire de France, étudie
les pouvoirs, la société et la culture des XIe-XIIIe siècles.
Derniers ouvrages parus: L'Empire des Plantagenêt (1154-
1224), Paris, Perrin, 2003, traduction anglaise, Londres,
Longman, 2007; La Légende du roi Arthur (550-1250), Paris,
Perrin, 2007; Le Chevalier lettré: savoir et conduite de
l'aristocratie aux XIIe et XIIIe siècles, Paris, Fayard, 2011.
Catalina Girbea, maître de conférences à l'université de
Bucarest, chercheur associé au Centre d'Etudes supérieures de
civilisation médiévale de l'université de Poitiers, est spécialiste
de la littérature arthurienne, qu'elle a analysée dans deux livres
récents: La Couronne ou l'auréole: royauté terrestre et
chevalerie celestielle dans la légende arthurienne (XIIe-XIIIe
siècles), Turnhout, Brepols, 2007, et Communiquer pour
convertir dans les romans du Graal (XIIe-XIIIe siècles), Paris,
Classiques Garnier, 2010.
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