Extrait :
L'autoradio
Je me souviens juste que c'était dans une voiture. Ni la marque, ni le modèle, juste que c'était dans une voiture... L'autoradio était réglé sur l'une des quatre stations que l'on captait alors sur les grandes ondes. En mono, évidemment. Europe N° 1, France Inter ? Non, vraiment, n'insistez pas, je ne sais plus. Du reste, il ne faudra pas me presser de questions. J'irai à mon rythme. Ne comptez pas sur moi pour tout déballer, comme ça, direct : les dates, les chiffres, les anecdotes... Patience. J'ai la mémoire fragile et sélective.
Mais laissez-moi poursuivre, voulez-vous. Je crois que les souvenirs me reviennent, peu à peu... Il pleuvait. Oui, de cela, je suis sûr.
Une fine pluie continentale mouille un morne paysage de campagne. J'ai une dizaine d'années. Treize ans - quatorze, tout au plus... En tout cas, je ne connais rien à l'amour. Si ce n'est en théorie. Mais la théorie n'est pas d'un grand secours, en la matière. Toujours est-il que je me sens prêt à aimer. Je ne parle pas d'un misérable flirt ou de vagues attouchements. Non, je parle de choses graves : d'un amour qui met en jeu la vie, la mort... On ne plaisante pas avec ces choses, vous savez bien.
J'ai déjà des indices. Tous les livres, toutes les chansons, en parlent. Qui plus est, il semblerait que tout l'art, depuis l'invention de l'art, tourne autour de cet étrange et douloureux sentiment. Et je veux en être... Je suis prêt à adhérer au concept. Manque plus qu'à trouver un «objet».
Et cette pluie qui continue de tomber... Tout est si ennuyeux dans la vraie vie. Si différent de celle qu'on imagine à travers les chansons. Prenez les Rolling Stones. Ils n'ont jamais l'air de s'ennuyer. Jagger parle toujours de ces filles incroyables, qui font la queue devant l'appartement de Steve McQueen ou devant sa propre loge.
Présentation de l'éditeur :
Collection dirigée par Stéphane Geay
Françoise Hardy est partie d'une idée simple : prendre le meilleur de ces chanteurs américains qu'elle écoutait adolescente sur Radio Luxembourg et composer des chansons pop. Le plan a bien fonctionné. Trop bien, peut-être... En quelques mois, presque contre son gré, la sage étudiante en propédeutique de lettres était devenue la nouvelle idole des teenagers européens.
De ce premier vinyle acidulé au succès immédiat, Tous les garçons et les filles de mon âge, en 1962, à ce CD de duos certifié platine le jour de sa sortie, Parenthèses, en 2006, Françoise Hardy a traversé les modes et les supports.
Elle est cette voix qui accompagne les «dimanches de la vie», pour paraphraser Queneau. La voix de ces journées où l'on réécoute en boucle L'Eclairage ou La question, en attendant que le destin frappe à la porte.
Et si l'on s'en tient au vieil adage selon lequel une icône pop se juge à la qualité de ses fans : Etienne Daho, Jacno, Nick Drake, Benjamin Biolay, Keren Ann, Bertrand Burgalat, vous, moi..., il n'y a guère qu'une Marianne Faithfull qui puisse rivaliser, à cette altitude.
Il fallait tout le talent et la sensibilité de Pierre Mikaïloff, écrivain rock par essence (Some clichés - L'Écarlate/L'Harmattan) et exégète pop désormais incontournable (Cherchez le garçon - Scali), pour nous dresser ce portrait où le respect le dispute à la passion.
Stéphane Loisy
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.