Extrait :
LE P'TIT LULU
Lucien Ginsburg vient au monde à Paris, à l'Hôtel-Dieu, sur l'île de la Cité, le 2 avril 1928, à 4h55, heure solaire. Signe du destin, il pousse son premier cri dans le petit matin, où, dans les vapeurs d'alcool d'or et les volutes de fumée bleue, le noctambule légendaire puisera les couleurs de son inspiration...
Il est l'enfant de Joseph et Olia - née Besman - qui se sont mariés dix ans plus tôt à la synagogue de Saint-Pétersbourg.
«Mes parents, russes, émigrés [...], ont choisi la France parce que, depuis la Révolution, c'était un modèle de liberté. Mes parents étaient bloqués par l'armée Wrangel (général russe blanc, aidé par la France), qui reculait devant l'Armée rouge. Ils n'allaient tout de même pas se faire enrôler par Wrangel et ils se sont tirés.»
Anticommunistes convaincus, ses parents décident donc de fuir la dictature rouge qui menace la Russie. Pour ce faire, munis de faux papiers fabriqués à Istanbul, ils embarquent en 1921 sur un navire qui les conduit à Marseille.
Mamelle surabondante d'un lait fondateur à laquelle Gainsbourg se nourrira, la musique incarnée par les grands compositeurs, tels que Chopin, Borodine, Moussorgski, Scarlatti, Liszt, Bach ou Stravinsky, a réuni Joseph qui joue du piano et Olia qui chante.
Attirés par les charmes de la patrie de l'art et du berceau du siècle des Lumières, ils émigrent jusqu'à Paris où ils finissent par s'établir. Là, en parfaite harmonie avec les codes et les coutumes de la vie à la française, ils vont se reconstruire sans difficulté et élever leurs enfants «honnêtement».
La disparition prématurée de son fils, Marcel, mort à seize mois, probablement des suites d'une pneumonie, a creusé une profonde entaille dans le coeur d'Olia. Et la naissance de Jacqueline, en 1927, ne parvient pas à lui faire oublier ce drame.
«Elle ne voulait plus d'enfant. Et puis, elle se trouve enceinte... Alors elle va voir un mec - à l'époque c'était extrêmement prohibé et dangereux - dans un quartier glauque, Pigalle ou Barbes. Elle entre et voit une cuvette en émail, rouillée, cerclée de mauve, une cuvette à l'ancienne. Elle a eu peur, elle est partie. Ensuite, le toubib entend battre deux coeurs et lui dit "vous avez des jumeaux". Elle se dit "chic, je vais avoir deux p'tits gars". Le premier à sortir, c'est ma soeur. Alors elle s'est mise à pleurer en disant "je vais avoir deux filles" et qui arrive ? Lulu [rires]... Alors là, évidemment, j'étais le chouchou de ma maman...»
Lucien Ginsburg est donc sorti des entrailles de sa mère, juste après Liliane, sa soeur jumelle. Plus tard, afin d'effacer son passé de petit émigré russe, et juif de surcroît, dont, à l'école, on déforme souvent le nom avec mépris, «Jinsburg, Jinsberg...», il s'offrira le luxe de franciser son patronyme en y ajoutant deux voyelles : Gainsbourg.
Biographie de l'auteur :
Alain Wodrascka est un écrivain, biographe et auteur de chansons.
Il est né le 12 février 1964 à Marseille, au sein d'une famille originaire de Prague baignant dans la musique. Il est petit-fils de Charles Rostaing, philologue et linguiste spécialisé dans l'œuvre de Frédéric Mistral.
Dès son enfance, il est passionné par la chanson, découvre Marie Laforêt, France Gall, puis Barbara et Claude Nougaro. La profession de son père le conduisant à travers l'Europe (dont la Suisse), Alain poursuit des études peu brillantes, sauf en français.
Tout en se lançant dans la chanson (il chante à Paris à La Tanière et au Tire-Bouchon, en première partie de Karim Kacel, Alex Metayer, Nazaré Pereira, Gilbert Laffaille, Edith Butler...), il poursuit des études de lettres couronnées par une maîtrise dont le sujet du mémoire est Expression des mythes chez Claude Nougaro. À cette occasion, il fait la connaissance du chanteur toulousain avec qui il vivra une profonde amitié de dix années.
La chanteuse Barbara l'encourage à poursuivre dans la voie de la chanson. Alain passe à l'Atelier-théâtre du Tourtour et au Théâtre des Déchargeurs à Paris, prépare l'enregistrement d'un disque ; mais il ne rencontre pas le succès espéré. Il se lance alors dans l'écriture de biographies des chanteurs qu'il affectionne.
Le 16 octobre 1996, il devient le père d'une petite Marie.
En 1997, il publie aux éditions Nizet son mémoire de maîtrise légèrement remanié : Claude Nougaro, l'alchimiste des mythes. Deux ans plus tard, il fait paraître La femme aux cent visages, la première biographie de Marie Laforêt. Suivront plus d'une vingtaine de biographies, notamment de Barbara, Léo Ferré, Renaud, Serge Gainsbourg, Johnny Hallyday, Souchon/Voulzy, Jacques Brel, Alain Bashung...
Dans le même temps, Alain Wodrascka participe en 2004 à l'élaboration de l'intégrale des disques de Claude Nougaro parue chez Universal Music. Il écrit également les paroles des chansons de Voisins, voisines, un film musical de Malik Chibane sorti en 2005, puis celles de Furieuse, un téléfilm du même réalisateur diffusé sur France 2 le 13 juillet 2011
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