Extrait :
UN RISQUE À COURIR
Assis au pied de la falaise, les rochers brûlants sous ses cuisses, Serg observait son frère qui escaladait la plus large des deux failles. Des blocs effondrés y formaient, enchevêtrés, une sorte d'escalier naturel qui se terminait en fourche et Wems approchait de l'endroit où il ne pourrait pas monter plus haut. Pour le moment, Serg le voyait progresser avec souplesse et agilité, tous ses gestes assurés et précis. Il n'avait pas osé le suivre et il s'en voulait. Il avait un peu honte aussi, mais cela, il préférait ne pas se l'avouer clairement.
Toujours, les choses se passaient de cette manière : Wems avait l'habitude de grimper ainsi, sans aucune crainte du vide, il se montrait le plus intrépide et se risquait avec hardiesse sans jamais hésiter devant le danger, alors que lui-même renonçait parce qu'il avait peur. Ensuite Serg regrettait, mais c'était trop tard. Bien sûr, Wems tâchait de l'aider. Il l'encourageait pour devenir brave et surmonter ses frousses, répétant sans arrêt qu'un garçon devait faire preuve de cran, ce qui était juste. Le problème avec Wems, c'est qu'il se montrait beaucoup trop exigeant dans les épreuves qu'il imaginait pour l'endurcir. Celle de l'araignée, par exemple. L'exercice - aussi redoutable que répugnant - consistait à aller poser sa main sur une toile fraîche alors que sa propriétaire l'occupait encore. Aux yeux de Serg, tout simplement l'horreur absolue. Ou pas très loin.
Présentation de l'éditeur :
De courts récits, parfois naïfs et tendres, d'autres fois cruels, choquants, qui peuvent se lire sans aucun ordre précis. Traces entrecroisées de moments humains particuliers, ils évoquent, entre autres, la vie de la famille Erwaal vers le milieu du XXe siècle, dans la Confédération d'Ostwand, État totalitaire, violent et raciste.
Éric Meije, pseudonyme d'un auteur dont on ne sait rien, peint avec une maîtrise rare un univers global et cohérent, où l'enfance, l'adolescence, le sexe, la beauté, les châtiments corporels, la culpabilité, la guerre, la mort, l'amour, les destins croisés forment un réseau d'obsessions qui constitue peu à peu une réalité autonome, fascinante.
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