Extrait :
La conspiration du marquis de Pontcallec
(1718-1720)
Après la mort de Louis XIV, la Bretagne engagea contre le pouvoir central, notamment par la voix et l'action de ses institutions provinciales, une lutte pour la défense de ses «libertés». Cette lutte se prolongea jusqu'à la Révolution. Elle prit la forme d'incessantes rivalités entre les états et le parlement bretons d'une part, entre les états et les agents du pouvoir monarchique d'autre part. Evoquant les intendants de Bretagne, Henri Fréville souligne que tous ces «commissaires départis», généralement étrangers à la province, ayant le plus souvent exercé d'importantes fonctions en d'autres régions du royaume antérieurement à leur arrivée à Rennes, ont été frappés par le particularisme affiché de la majorité des Bretons : ils y ont vu une volonté d'opposition à un gouvernement sans doute bien présent, voire impérieux, mais en réalité plus centralisateur qu'autoritaire.
Dans cet attachement pour les «libertés bretonnes», la noblesse joua un rôle de ferment et de moteur : animé par une vive conscience de caste et le désir de faire respecter le «contrat de la reine Anne», le deuxième ordre se méfie de toute «novelleté» émanant du gouvernement, notamment administrative et fiscale. Cette réaction nobiliaire, contenue, on l'a vu, non sans peine au temps de Louis XIV, s'exprima avec éclat sous la Régence (période toujours propice à l'expression de frustrations). Les états, dominés par la noblesse, profitèrent en effet de l'affaiblissement de la monarchie pour affirmer leur rôle de défenseurs des droits de la province et pour lutter contre les prérogatives de l'intendance, en particulier en matière d'impôts. Cette affirmation des privilèges bretons alla même jusqu'au complot et à la conspiration à laquelle le nom du marquis de Pontcallec est resté attaché. Les principales étapes de cette «conspiration» révèlent les champs de forces politiques en Bretagne à l'aube du siècle des Lumières.
Présentation de l'éditeur :
Histoire de la Bretagne et des Bretons 2
Devenue française en 1532, la Bretagne n'a jamais cessé d'être elle-même. Son identité s'impose, par-delà les lieux communs, de la «Celtie» idéalisée des druides et des chevaliers du Graal jusqu'à Bécassine.
Dans ce livre-somme, Joël Cornette, Breton et historien, retrace l'aventure mouvementée d'un territoire singulier, depuis ses plus lointaines origines jusqu'à l'aube du XXIe siècle.
Voici la Bretagne restituée, «en majesté» : des menhirs de Carnac à la fin du dernier millénaire, en passant par les effervescences de 1789 ; de l'ère viking à la «révolution verte» de l'agriculture ; de la grande à la petite histoire, avec la foule des Bretons anonymes mais aussi les personnages illustres, les ruptures fondatrices comme les révolutions silencieuses, vécues au quotidien.
Cet ouvrage a obtenu le Grand Prix d'histoire de l'Académie française 2006.
Joël Cornette
Né à Brest, ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d'histoire, professeur à l'université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis. Il a publié notamment Le Marquis et le Régent. Une conspiration bretonne à l'aube des Lumières (Tallandier, 2008) et a dirigé dans l'Histoire de la France politique le volume La Monarchie entre Renaissance et Révolution (Seuil, 2000).
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