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Une Europe des élites ?: Réflexions sur la fracture démocratique de l'Union européenne - Couverture souple

 
9782800413990: Une Europe des élites ?: Réflexions sur la fracture démocratique de l'Union européenne
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Extrait :
Extrait de l'introduction de Olivier Costa et Paul Magnette :

L'Europe des élites, anatomie d'un mythe

Il plane sur le projet européen, depuis les origines, un lourd soupçon : présentée comme l'expression de l'intérêt général européen, l'intégration du continent ne serait, dans le fond, qu'un complot des élites, destiné à servir leurs intérêts propres et à promouvoir leur vision du monde, au mépris et aux dépens des aspirations populaires.
Ce préjugé, largement répandu et durable, apparaît d'abord fondé par le «péché originel» des Pères fondateurs. Face à l'impossibilité d'une approche ouvertement politique - attestée par les maigres résultats du Congrès de La Haye de 1948 -, conscients de la portée révolutionnaire de l'entreprise européenne, et mesurant les réticences des opinions publiques, ils choisirent, après de longues hésitations, la voie subreptice d'une intégration fonctionnelle. Les traités fondateurs furent négociés dans une grande discrétion, par une poignée de diplomates et de juristes, entretenant des liens étroits avec les milieux d'affaire. Ils furent ratifiés, dans les six Etats fondateurs, par des majorités parlementaires plutôt étroites, et soigneusement disciplinées par les dirigeants des partis de gouvernement, sans que cet événement suscite un vrai débat public. Par la suite, toutes les grandes avancées de la construction européenne - du traité de Rome de 1957 à l'Acte unique européen de 1986, au moins - ont suivi cette voie discrète. Le soutien populaire était présumé plus qu'éprouvé.
Le traité de Maastricht de 1992 est unanimement considéré comme une rupture. Négocié selon les méthodes intergouvernementales classiques, à l'abri des pressions exercées par les médias et les organisations des sociétés civiles, sa ratification donna lieu à la première grande vague de discussions publiques sur le sens et la portée du projet européen : en France et au Danemark, où il fut soumis à référendum, mais aussi dans les dix autres Etats membres de l'époque, où, pour la première fois, syndicats, associations, intellectuels, partis et médias, se saisirent de l'objet européen. Loin de dissiper le fantasme d'une Europe voulue, conçue et soutenue par les élites, ce baptême démocratique semble l'avoir consolidé. Les analyses électorales et les enquêtes d'opinion ont révélé, dès ce moment, que le soutien au projet européen était profondément stratifié. Les partisans de l'intégration se recrutent principalement dans les catégories socioculturelles les plus élevées, tandis que les résistances émanent majoritairement des groupes sociaux bénéficiant de revenus, de statuts socioprofessionnels et de degrés d'instruction inférieurs à la moyenne.
De prime abord, ce phénomène a pu paraître normal : toute communauté politique n'est-elle pas, dans sa phase fondatrice, soutenue par une élite agissante ? Les «masses silencieuses» n'illustraient-elles pas, dans leur indifférence ou leur hostilité au projet européen, le mécanisme classique du «retard cognitif» des catégories populaires, qui tardent à prendre la mesure des nouvelles dimensions du politique ? Une fois l'Union européenne banalisée, et à mesure que les citoyens prendraient conscience des bénéfices qu'ils tirent des politiques communes et de l'existence des «solidarités de fait» chères à Robert Schuman, ces préjugés ne se dissiperaient-ils pas ?
Ces hypothèses optimistes se seraient peut-être diffusées si, tout au long des années 1990 et depuis, la réalité de la fracture européenne ne s'était stabilisée, voire durcie. Sans doute le soutien des opinions publiques au projet européen, tel que mesuré par les enquêtes Eurobaromètre, a-t-il beaucoup fluctué au cours des quinze dernières années. Sans doute aussi des segments des électorats autrefois très hostiles au projet européen - des travaillistes britanniques aux gaullistes français - se sont-ils lentement convertis. Mais dans le même temps, de nouvelles résistances se sont développées, qui ont principalement pris pied, une fois encore, dans les catégories sociales les moins instruites et/ou les plus exposées aux transformations économiques et sociales. En 2005, qui restera comme une année-charnière dans l'histoire de l'intégration européenne, la vaste campagne suscitée par la ratification du traité constitutionnel européen, dont les partisans escomptaient qu'elle constituerait un moment de socialisation politique favorable au projet européen, a plutôt produit l'effet inverse. Les peurs d'une Europe perçue comme un mécanisme de modernisation politique et économique insensible aux intérêts des secteurs les plus exposés, aux traditions et aux valeurs dont les territoires et les communautés morales sont porteuses, n'ont jamais été plus fortes qu'au lendemain des campagnes de ratification du printemps 2005. Exprimées de manière spectaculaire en France et aux Pays-Bas, où elles menèrent au rejet du traité constitutionnel, elles traversèrent également les campagnes référendaires espagnole et luxembourgeoise, et provoquèrent de forts échos dans les pays qui ont recouru à la ratification parlementaire - un tiers des Etats membres renonçant même à procéder à la ratification par crainte de les voir s'amplifier.
Présentation de l'éditeur :
Une Europe des élites ?
Réflexions sur la fracture démocratique de l'Union européenne

Il plane sur le projet européen, depuis les origines, un lourd soupçon : présenté comme l'expression de l'intérêt général européen, il ne serait, dans le fond, qu'un complot des élites, destiné à servir leurs intérêts propres et à promouvoir leur vision du monde, au mépris et aux dépens des aspirations populaires. De prime abord, ce phénomène a pu paraître normal : toute communauté politique n'est-elle pas, dans sa phase fondatrice, soutenue par une élite agissante ? Toutefois, dans le cas de l'Union européenne, la fracture européenne s'est stabilisée, voire durcie. On en veut pour preuve les critiques très virulentes dont le traité constitutionnel -rêvé comme un moment de socialisation politique favorable au projet européen - a fait l'objet lors de sa ratification. Les peurs d'une Europe perçue comme un mécanisme de modernisation politique et économique insensible aux intérêts des secteurs les plus exposés, aux traditions et aux valeurs dont les territoires et les communautés morales sont porteuses, n'ont jamais été plus fortes qu'aujourd'hui. Confrontés à ce rejet, et après avoir invoqué sans succès les registres de légitimation les plus divers, les dirigeants européens avouent leur perplexité. Cet ouvrage n'a pas pour ambition de leur indiquer la voie d'une réduction de la fracture européenne, mais de mieux poser les questions. Il réunit pour cela des contributions de quelques-uns des meilleurs spécialistes francophones des études européennes. Partant chacun de leur objet d'étude particulier, ils apportent des réponses aux mêmes questions : le procès en élitisme fait à la construction européenne relève-t-il du préjugé, ou est-il fondé ? Si elle est avérée, quelle est la mesure de cette fracture, et comment s'explique-t-elle ?

Textes de Olivier Baisnée et Thomas Frinault, Laurie Boussaguet et Renaud Dehousse, Olivier Costa, Eric Kerrouche et Jérémie Pèlerin, François Foret, Didier Georgakakis, Gérard Grunberg et Bruno Cautrès, Sophie Jacquot et Pierre Muller, Christian Lequesne, Arnaud Mias, Yannis Papadopoulos et Aurélien Buffat, Antoine Roger, Sabine Saurugger, Antoine Vauchez.

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