Extrait :
1 LA QUESTION DE LA CONFIANCE
Parce qu'elle dépasse largement le cadre fixé par les frontières disciplinaires, la question de la confiance interpersonnelle (Le la confiance entre un individu et un autre, ou entre un individu et d'autres individus) constitue un des thèmes les plus riches et les plus passionnants des sciences sociales. En général, l'approche adoptée renvoie à un cadre séquentiel en étudiant une situation sociale pour laquelle les acteurs s'expriment selon un ordre donné.
En théorie des jeux, ce cadre est incarné par le jeu de la confiance. La description formelle de ce jeu est celle d'un problème fondé sur un échange non-coopératif entre des agents rationnels, c'est-à-dire guidés par leur seul intérêt (Dasgupta, 1988 ; Kreps, 1990a). Dans sa structure à deux acteurs, notés 1 et 2, le jeu de la confiance repose sur le principe suivant. L'agent 1 ouvre le jeu en effectuant un choix. Il décide de faire confiance ou non à l'agent 2. Dans le cas où il ne lui ferait pas confiance, aucune relation bilatérale ne voit le jour et le jeu prend fin. En revanche, s'il lui fait confiance, il revient à l'agent 2 de choisir entre honorer ou trahir la confiance que 1 lui a accordé. Quel que soit le choix de 2, le jeu se clôt à la suite de sa prise de décision. Le seul équilibre de ce jeu est tel que l'agent 1 ne fera pas confiance à 2 car celui-ci est incité à le trahir. Nous aboutissons donc à un paradoxe dans la mesure où nous savons que, sans confiance, aucun échange social ne serait possible, et que dans l'éventualité où il prendrait forme, il serait alors fort coûteux.
Une des conclusions que la littérature tire de cette aporie est alors la suivante : la confiance n'étant pas possible du point de vue individuel, il faut créer les moyens de son existence. C'est une des situations qui fondent la légitimité des institutions. En effet, définir une institution revient, entre les individus concernés, à signer un contrat dont la validité n'est pas garantie par les signataires (puisqu'ils ne se font pas confiance) mais par un tiers qui se trouve en dehors de la relation, ce tiers pouvant être, par exemple, l'institution justice. Cette institution n'ayant aucun intérêt personnel enjeu peut de ce fait jouer le rôle d'arbitre selon les termes des contrats signés. La signature d'un contrat consiste donc en une délégation : les individus impliqués délèguent une partie de leur pouvoir de décision à une institution chargée de faire respecter les termes de l'échange, c'est ce qu'Oliver Williamson (1993) qualifie de «confiance institutionnelle». Ce principe est valable pour tous les contrats, c'est ainsi que se conçoit une représentation économique du contrat social. Ce dernier est à distinguer du lien social où les relations d'échange ne nécessitent pas l'intervention d'un tiers pour se faire.
Présentation de l'éditeur :
Un concept énigmatique : la confiance interpersonnelle
► La question de la confiance interpersonnelle suscite un intérêt très particulier tant elle concerne l'ensemble des sciences sociales, induisant par là même une profusion de théories concurrentes.
► Bien que la démarche privilégiée soit celle de l'économie, l'ouvrage n'en préserve pas moins une dimension pluridisciplinaire.
Ce regard pluridisciplinaire est d'autant plus nécessaire qu'en s'appuyant sur l'expérimentation en laboratoire, l'économie s'est ouverte à la psychologie sociale, offrant ainsi de nouvelles perspectives quant aux ressorts de la confiance. Ces développements récents ont permis d'entrevoir le comportement humain non plus sous le seul angle de la raison économique mais comme un arbitrage entre cette même raison et le souci d'autrui. Cette évolution s'est également accompagnée de l'émergence de nouveaux outils, à l'image des jeux psychologiques, qui ont le mérite d'offrir des explications en termes d'intentions et d'émotions.
► Ainsi, en dotant l'individu d'un contenu psychologique et/ou émotionnel, il devient possible d'appréhender plus finement la logique inhérente au comportement de confiance.
► Destiné à un public d'étudiants de Master et de Doctorat, et de chercheurs en sciences sociales, cet ouvrage fournit un cadre et des outils d'analyse à même de saisir les débats en cours sur la question de la confiance.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.