Extrait :
Il revint. Il arrivait le soir, grattait aux carreaux selon un signal convenu. Elle allait lui ouvrir sans bruit. Et, dans la tiédeur de la petite chambre, près de ce compagnon tour à tour bavard, caustique et amoureux, elle oubliait le dur labeur de la journée. Il lui racontait les scandales de la Cour et de la ville. Cela l'amusait car elle connaissait la plupart des personnages dont il parlait.
- Je suis riche de toute la peur des gens qui me craignent, disait-il.
Mais il ne s'attachait pas à l'argent. C'est en vain qu'elle voulait le vêtir plus décemment.
Pour un bon dîner qu'il acceptait sans d'ailleurs faire le geste d'ouvrir son escarcelle, il disparaissait huit jours et, quand il se représentait, hâve, affamé, souriant, elle le questionnait en vain. Pourquoi, puisqu'il s'entendait si bien avec les bandes argotières de Paris, n'allait-il pas, à l'occasion, faire bombance avec elles ? On ne l'avait jamais vu à la tour de Nesle. Pourtant, étant l'un des personnages importants du Pont-Neuf, sa place y était marquée. Et, avec tous les secrets qu'il connaissait, il eût pu faire «chanter» bien des gens.
- C'est plus amusant de les faire pleurer et grincer des dents, disait-il.
Il n'acceptait de l'aide que de la main des femmes qu'il aimait. Une petite bouquetière, une fille de joie, une servante, après s'être livrées à ses caresses, avaient le droit de le gâter un peu. Elles lui disaient : «Mange, mon petit» et le regardaient engloutir avec attendrissement.
Puis il s'envolait. Comme la bouquetière, la fille de joie ou la servante, Angélique éprouvait parfois le désir de le retenir. Allongée, dans la chaleur du lit, près de ce long corps dont l'étreinte était si vive et si légère, elle passait un bras autour de son cou et l'attirait près d'elle.
Mais, déjà, il ouvrait les yeux, notait la lueur de l'aube derrière les petits carreaux sertis de plomb. Et il sautait hors du lit, s'habillait en hâte, disparaissait.
En vérité, il ne tenait pas en place. Il était possédé d'une manie assez rare à l'époque et qui de tout temps s'est payée fort cher : la manie de la liberté.
Présentation de l'éditeur :
Accusé de sorcellerie, le comte de Peyrac a péri sur le bûcher, en place de Grève. Sa femme, Angélique, « marquise des Anges », a tout perdu en quelques heures : son amour, sa fortune, jusqu'à son nom. Seule, abandonnée de tous, condamnée à se cacher, elle trouve refuge dans les bas-fonds de Paris, au sein de la Cour des miracles. Mais la jeune femme n'est pas faite pour cette vie misérable. Dans l'adversité, elle refuse de se laisser abattre. Ce qu'en un instant les flammes lui ont ravi, elle entreprend de le reconquérir avec les armes qui sont les siennes : la séduction, l'intelligence, l'audace...
Devenue, grâce au commerce du chocolat, l'une des femmes les plus riches de Paris, elle affronte le prince de Condé au jeu et gagne l'ancien hôtel de Joffrey, seule demeure digne de ses fils. Il ne lui manque plus qu'un nom : le marquis du Plessis lui donne le sien en l'épousant dans d'étranges circonstances... Les portes de Versailles s'ouvrent désormais devant une Angélique resplendissante, prête à rencontrer Louis XIV...
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