Extrait :
«Pourqupoi les égyptiens de l'Antiquité dessinainet-ils des gens avec la tête de profil et le corps de face ?»
Voici Néferabou et son collègue, le dessinateur Maani-nakbtouf, tels qu'ils figurent sur un bas-relief égyptien du Nouvel Empire. Et vous vous demandez, j'en suis sûr, pourquoi les Égyptiens de l'Antiquité dessinaient les gens avec la tête de profil et le corps de face ? S'agissait-il d'une fantaisie artistique ? Certainement pas. Les peintres n'étaient pas là pour plaisanter. Ils devaient immortaliser sur les murs des sépultures tous les éléments qui avaient environné le défunt au cours de sa vie terrestre, et ce de la manière la plus réaliste. N'y voyez pas non plus une erreur d'appréciation anatomique : leur connaissance du corps humain était presque aussi poussée que celle d'un chirurgien. Non, en fait leur objectif était l'inverse de celui des peintres impressionnistes. Il ne s'agissait pas pour eux de peindre les choses telles qu'ils les voyaient, mais telles qu'elles étaient et afin qu'on les voie le mieux possible. Pour montrer un nez ou la carnation du visage, rien ne vaut le profil. Ils les peignaient donc de profil. Les yeux, c'est le contraire. De profil, l'iris et la pupille ont tendance à disparaître. Les Égyptiens peignaient donc les yeux de face sur un visage de profil, ce en quoi Picasso les imitera, d'ailleurs. Le corps, on le voit mieux de face : on le peindra donc de face. Les pieds, en revanche, se voient mieux de profil. Ils seront donc de profil sur un corps de face. Et voilà pourquoi Néferabou et Maani-nakbtouf nous apparaissent ainsi, trente-trois siècles après qu'ils ont dessiné la tombe de Ramsès II. C'est pour qu'on les voie en entier, tels qu'ils étaient.
«On dirait les yeux d'un être vivant dont le regard nous suit»
Au xixe siècle, ce Scribe accroupi a terrorisé les ouvriers qui l'ont découvert en Egypte. Ce sont les yeux de cette sculpture, vieille de 4 500 ans, qui leur ont fait peur. Et l'on peut les comprendre, car on dirait ceux d'un être vivant dont le regard nous suit. D'autres statues originaires, pour la plupart, de la région de Saqqarah et sculptées entre 1 000 et 2 500 ans avant J.-C. possèdent ce même regard étonnant. Mais il fallut attendre 1996 pour percer leur secret. Lorsque les yeux du Scribe accroupi furent étudiés par un tout nouvel instrument de recherche, l'accélérateur de particules Aglaë, les scientifiques du xxe siècle découvrirent alors qu'à partir d'un morceau de cristal de roche transparent, chacun des détails du globe oculaire avait été recréé par les Égyptiens. La forme, convexe à une extrémité, conique à l'autre, les différentes couches superposées qui font la cornée, la pupille légèrement décentrée, jusqu'aux petits vaisseaux, rien n'a été oublié, et c'est cette précision dans le détail qui donne à ce regard ancestral une humanité saisissante. Sans le renfort de la technologie la plus pointue, nous n'aurions jamais réussi à élucider ce mystère, et qui sait, peut-être que les yeux du Scribe continueraient à nous faire peur... ?
Biographie de l'auteur :
Frédéric Taddeï commence sa carrière en 1990 en lançant le magazine "Maintenant". Ainsi repéré par Jean-François Bizo, il est recruté pour collaborer au magazine "Actuel", et présente en parallèle sur Radio Nova une chronique littéraire intitulée "Aujourd'hui, j'ai lu pour vous". Il fait ses débuts à la télévision comme chroniqueur à Nulle Part Ailleurs sur Canal + de 1994 à 1998, puis remplace Thierry Ardisson en 1998 dans l'émission "Paris Dernière" sur la chaîne de télévision Paris Première. Il commence l'animation de "D'Art d'Art" en 2002 et présente depuis septembre 2006 l'émission quotidienne "Ce soir (ou jamais!)", en deuxième partie de soirée sur France 3. Il anime également sur Europe 1, du lundi au vendredi, l'émission "Regarde les hommes changer". En décembre 2007, il reçoit le premier prix Philippe-Caloni, attribué à "un journaliste ayant fait preuve de talent et d'éclectisme, en particulier dans l'exercice de l'interview ou de l'entretien".
Marie-Isabelle Taddeï, après une année sabbatique à Londres, entame des études de droit à Paris V. Elle multiplie ensuite les activités professionnelles par tranche de quatre ans, dirigeant successivement une multiservices aux entreprises, une galerie d'art, un restaurant et un hôtel. Co-auteur de l'émission D'Art d'Art depuis 2002, elle partage son temps entre Paris et Madrid depuis 2003.
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