Extrait :
Je barbote doucement dans l'eau. Juste assez pour maintenir ma tête au-dessus de la surface. Mes chaussures flottent à côté de moi. Les enlever ne m'a pas semblé une trop mauvaise idée. Les planches qui recouvraient le puits ont été retirées. Ainsi, je peux contempler le ciel mat de cette nuit d'été. Il n'y a pas une étoile dans le ciel, et tout aussi peu de points lumineux dans mon avenir. L'eau est glacée. Il fait un froid de gueux. D'ailleurs, si ça continue, je vais mourir de froid. Ou me noyer. La noyade est, à ce qu'il paraît, une mort agréable. J'ai essayé de me hisser le long de la paroi en béton. Autant pisser dans un violon. C'est trop glissant, on ne peut se retenir à rien, et je ne suis pas Spiderman. Ni aucune autre superhéroïne, soit dit en passant. Je ne suis qu'une pauvre conne, une idiote de base qui n'a rien trouvé de mieux que de se faire une flopée d'ennemis en l'espace de quelques semaines.
Chapitre 1
Je sens sa paume étonnamment sèche me caresser la joue. Georg Thomsen, plus connu sous le sobriquet de Barack Athomique à cause notamment de la quantité impressionnante de maisons et de terrains qu'il a achetés, vient de se lever du fauteuil de jardin qu'il n'a pas quitté de toute l'interview. Et donc, avec son bon quintal avachi sur la table, un poids qui lui vaut aussi son surnom, il a tendu le battoir qui lui fait office de main pour me câliner comme si j'étais une gamine de trois ans.
- Et maintenant tu vas rentrer bien sagement chez toi pour nous pondre un papier gentil comme tout.
Les poils de ma nuque se hérissent. La chaise en plastique, jusque-là collée à mes cuisses, s'écrase par terre au moment où je me redresse. Sa main glisse de ma joue à mon sein. Il retire ses doigts comme sous l'effet d'une morsure de serpent. Nos yeux se croisent quelques instants : lui, des gouttes de sueur sur le front et sa grosse paluche contre son ventre ; moi, concentrée, tentant de desserrer mes poings crispés.
- Je ne peux décemment pas partir sans prendre une photo de vous dans votre chalet..., dis-je en me penchant pour sortir mon appareil du sac.
Après l'avoir posé sur la table, à côté de la boisson gazeuse dont je n'ai pas bu une goutte, je me penche à nouveau pour remettre la chaise en place. Tout en expliquant que, si on veut un bon papier, une bonne photo s'impose. Voire, plus la photo est de qualité, plus grande sera la place que nous accordera le rédacteur en chef. Et le rédacteur en chef envisage peut-être une... une double page ! Quand je me relève, je surprends le regard de Barack Athomique braqué sur mon cul. Je me campe devant lui, avec l'appareil photo. Il s'essuie le front avec un air de chien battu. Il se fend d'un commentaire à propos de mon tee-shirt. Celui où il est écrit en gros : My name is queen of fucking everything.
- C'est ironique ? veut-il savoir.
- D'après vous ?
En guise de réponse, Barack Athomique glousse et renifle à la fois. Il essaie de fourrer ses mains dans les poches de son short mais, comme elles sont trop étroites, il finit par les croiser sur son entrejambe.
- Et le bateau ? Vous pourriez vous mettre à la barre... ? Oh, oui, allez, ce sera du plus bel effet avec le chalet et le bungalow en arrière-plan ! Parce que... c'est bien un bungalow, n'est-ce pas ? Il est superbe. Je vois que vous avez aménagé un balcon en plus. Ça doit être sympa d'habiter en haut, non ?
Présentation de l'éditeur :
Deux mois de stage dans un journal local, sur une île paradisiaque de Norvège, c'est une façon sympa de passer son été.
Mais Engel a une grande gueule et une fâcheuse tendance à se faire des ennemis.
Et comme elle n'est pas du genre à écrire de gentils articles sur la kermesse du coin, elle va mettre son nez et son appareil photo un peu partout... au risque de foncer tête baissée dans ce gui pourrait être sa première et dernière enquête.
Un polar nordique haletant.
Née en 1976, Ingelin Røssland est une jeune auteure norvégienne de romans pour ados et jeunes adultes, ayant déjà une douzaine de livres à son catalogue. Elle est pour la première fois traduite en France.
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