Revue de presse :
Bon, d'accord, sur la couverture du livre il est marqué que En souvenir d'André est un "roman". Par prudence devant la loi ? On se doute bien que toutes ces histoires de fin de vie, d'assistance à des malades, sans espoir, qui en ont marre de n'être plus que des corps épuisés, le docteur Martin Winckler ne les a pas toutes inventées. Il en a vécu dans sa chair, dans sa tête, dans son âme, dans sa conscience. Le narrateur, spécialiste des soins palliatifs, travaille à l'unité de la douleur. Il aide à mourir plus vite les mourants qui le désirent, qui le veulent, qui l'exigent parfois. Avec ce médecin-là, l'auteur de La Maladie de Sachs doit avoir plus que des affinités. Des expériences communes, des paroles et des actes identiques. Sinon le "roman" n'aurait pas cette force inaccoutumée qui émeut, dérange et interpelle. (Bernard Pivot - Le Journal du Dimanche du 7 octobre 2012)
Ecouter les malades. Refuser la condescendance des médecins toujours pressés et fuyants. Et avant tout, apaiser la douleur. Ces principes reviennent dans l'oeuvre de Martin Winckler, écrivain et médecin, convaincu et combatif, depuis La Vacation (1989) et La Maladie de Sachs (prix du Livre Inter 1998)...
Cette fois, c'est le thème crucial et controversé du suicide assisté qui est au coeur du combat littéraire et social de Winckler...
Winckler le sait : il joue avec les mythes et les symboles, tel un Fantômas de la seringue. C'est en privilégiant cette forme romanesque qu'il atteindra le plus grand nombre - quitte à en froisser plus d'un -, obligeant chacun à réfléchir (Christine Ferniot - Télérama du 10 octobre 2012)
Romancier et médecin, installé à Montréal, il exerce son art dans des domaines multiples. " En souvenir d'André " greffe ses obsessions sur une nouvelle forme narrative...
Le suicide assisté est le sujet central de ce court roman, qui apparaît comme un reflet inversé de Trois médecins ou encore du Choeur des femmes (POL, 2004 et 2009), énormes machines romanesques, inspirées, respectivement, des Trois Mousquetaires et de comédies musicales, traversées par la question du droit des femmes à disposer de leur corps. En souvenir d'André, lui, est un texte à l'os, qui ne s'intéresse donc plus au " faire naître " (ou pas), mais au " aider à mourir ". Ce sont surtout des hommes qu'Emmanuel Zachs accompagne vers la fin...
Le livre n'est pas moins généreux, ni efficace, sur un plus petit nombre de pages, que les délectables pavés précédents. Et le plaidoyer pour une médecine humaniste, exercée par des soignants plutôt que par des médecins, fonctionne toujours. Mais sa vraie réussite tient aux récits de vies qu'Emmanuel Zacks a consignés et qu'il restitue, dans un dispositif narratif évoquant, forcément, celui de La Maladie de Sachs. (Raphaëlle Leyris - Le Monde du 25 octobre 2012)
Sur un sujet risqué, Martin Winckler réussit un roman d'initiation d'une grande force, édifiant (sur la pratique des "cocktails" ou la gestion humaine et médicamenteuse dans les hôpitaux), mais qui, tout en étant ouvertement engagé, ne saurait se réduire à une thèse - on ne révélera rien de la seconde partie, ni de l'importance d'une femme, Nora. Il nous rappelle aussi que, dans la littérature comme dans la vie, il y a toujours des failles. Et que "tout le monde a des secrets. Et quand ce n'est pas un secret, c'est un regret, une parole jamais dite, une question sans réponse". (Baptiste Liger - Lire, octobre 2012)
Extrait :
D'abord, l'officier d'état civil a examiné tes papiers d'identité et constaté que ton nom, ta date de naissance et ton numéro matricule sont identiques à ceux qu'indique le document officiel. Puis il a consulté le dossier administratif attestant que le patient a bien subi - j'utilise le mot à dessein - son entretien psychiatrique. Que l'expert y affirme son bon équilibre mental et souligne l'absence de signes de dépression. Que la maladie est incurable et que, quoique bénéficiant de soins palliatifs de qualité, le patient a exprimé sa demande auprès de trois médecins différents, à trois semaines d'intervalle, comme la loi l'exige. Et que tous ont donné leur accord.
Une fois ces précautions prises, il t'a permis de lire le dossier. C'est un document médical anonyme, un peu technique : il retrace l'itinéraire du patient depuis les premiers symptômes, passe en revue les examens diagnostiques, les choix thérapeutiques effectués en conformité avec l'état des connaissances, la longue phase de rémission de cinq ans, les deux récidives et leurs traitements - manifestement efficaces puisqu'ils lui ont valu, respectivement, quatre ans et vingt-sept mois supplémentaires de répit. Pour en arriver à la rechute survenue il y a neuf mois, avec la découverte de lésions disséminées dans plusieurs organes vitaux, parmi lesquels le foie, les deux poumons, la colonne vertébrale et, possiblement - mais il a refusé l'examen qui aurait permis de le confirmer - le cerveau. Tu as lu tout cela avec curiosité et le malaise qu'on éprouve en découvrant des secrets qui ne nous appartiennent pas. Mais c'est la règle : que tu décides ou non de prendre contact, tu dois le faire en connaissance de cause.
Ton imagination s'envole. C'est comme ça, tu n'y peux rien, tu as besoin de remplir le vide et de le peupler de figures en trois dimensions, même floues. Comme d'autres l'auraient fait à ta place, tu t'es préparé à rencontrer une épave, un corps humain replié de douleur, amaigri par la maladie, déformé par les interventions qui lui ont retiré un organe par-ci, un organe par-là, et cloué au fauteuil ou au lit, bardé de tuyaux divers et variés.
Mais tu fais erreur. La maladie n'a pas dévoré un organe vital, elle a pris naissance dans une multitude de localisations et le patient a été traité par chimiothérapie, non par la chirurgie. Jusqu'à sa rechute, il y a quelques semaines, il était parfaitement valide. Selon les dernières observations - effectuées juste avant qu'on te communique le dossier -, il était en parfaite possession de ses moyens intellectuels. Certes, il est âgé - soixante-dix-sept ans -, mais au jour d'aujourd'hui, vu le nombre et l'état des centenaires, les moins de quatre-vingts ans sont souvent de première jeunesse.
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