Extrait :
J'ai éparpillé mes considérations sur la musique dans la série de mes journaux hédonistes. Ici, sur l'essence de la musique, là, sur un certain nombre d'opéras qui fonctionnent à mes yeux comme des prétextes à penser, ailleurs, sur des amis compositeurs de musique contemporaine pour tâcher de déchiffrer le mécanisme de leurs créations et soulever un peu le mystère de leur style, mais je n'avais jamais consacré un livre à ce seul sujet.
L'envie m'en est pourtant souvent venue : sur Satie, l'inventeur dandy (et normand...) d'une musique inouïe, au sens étymologique ; sur Chostakovitch dont j'aurais aimé écrire la biographie pour montrer combien l'ordre soviétique lui imposa une forme esthétique dont le style aura consisté à la transcender ; sur l'architecture de Bach qui quintessencie la musique parce qu'il parvient à exprimer son essence dionysiaque dans l'excellence apollinienne de la forme que chacun sait, mais je n'ai jamais trouvé le temps - le temps, justement, la grande affaire de la musique...
Je connais Jean-Yves Clément depuis 1988 : il est nietzschéen, mélomane, musicien, il organise des concerts, il écrit des monographies sur des compositeurs, il publie aussi des poèmes, il n'ignore rien de la vie et de l'oeuvre philosophique et musicale de Nietzsche, le philosophe sous les auspices duquel nous nous sommes rencontrés. À l'époque, il dirigeait une petite maison d'édition qui s'appelait «Amor fati»...
J'avais rédigé un manuscrit sur le philosophe allemand, deux fois dupliqué, deux fois perdu par deux éditeurs différents, puis volé par un aigrefin mercenaire dans l'édition et qui avait décidé, après avoir détourné le troisième exemplaire, de le conserver par-devers lui pour je ne sais quelle raison sonnante et trébuchante. Et me revint à l'esprit, alors que ce voleur me donnait des rendez-vous auxquels il ne venait pas pour me remettre un texte devenu invisible, que Jean-Yves Clément, peut-être, en avait eu une copie. De fait, il en possédait une - qu'il m'envoya prestement par la poste, comme si les PTT étaient une science exacte ! L'exemplaire arriva malgré tout. Le texte s'intitule La Sagesse tragique, il est publié au Livre de poche. J'ai raconté dans sa préface ce que ce livre lui doit.
Jean-Yves Clément me fait l'amitié de tenir le séminaire musique de l'Université populaire de Caen. Bénévolement, gratuitement, bien sûr, comme il est de coutume dans cette aventure d'éducation populaire. Il existe à l'Université populaire d'autres séminaires sur la musique : le jazz, la musique contemporaine, la musicologie. Car je crois à la nécessité de l'éducation au jugement de goût pour que le plaisir puisse advenir vraiment. La jubilation esthétique, quoi qu'en dise et pense Kant, ne fonctionne pas universellement et sans concept, mais particulièrement, avec concept...
L'idée de ce livre revient à Jean-Yves qui souhaitait que nos conversations sur la musique, perdues dans l'éther, soient un jour fixées sur le papier. Il souhaitait un livre d'entretiens, j'ai toujours refusé cet exercice... Mais l'amitié génère de belles contraintes, que je dirai romaines, et, à lui, je n'ai pas pu dire non. Voici donc cet échange à deux voix qu'il faut lire comme on écouterait un genre de pièce de musique de chambre, non loin du feu crépitant d'une cheminée, en compagnie de deux ou trois amis choisis, avec une belle bouteille d'un grand et vieux bon vin, dans la pénombre d'une pièce juste éclairée par l'âtre. Un genre de petite musique...
Michel Onfray
Présentation de l'éditeur :
« J ai éparpillé mes considérations sur la musique dans la série de mes journaux hédonistes. Ici, sur l essence de la musique, là, sur un certain nombre d opéras qui fonctionnent à mes yeux comme des prétextes à penser, ailleurs, sur des amis compositeurs de musique contemporaine, mais je n avais jamais consacré un livre à ce seul sujet. Voici donc ce livre auquel j ai souvent pensé, un échange à deux voix qu il faut lire comme on écouterait un genre de pièce de musique de chambre, non loin du feu crépitant d une cheminée, en compagnie de deux ou trois amis choisis, avec une belle bouteille d un grand et vieux bon vin, dans la pénombre d une pièce juste éclairée par l âtre. Un genre de petite musique... » M. O.
Michel Onfray, philosophe et auteur de plus de quatre-vingts ouvrages, a fondé l Université populaire de Caen ainsi que celle du goût d Argentan, puis de Chambois & Fel, dans laquelle il organise des concerts ouverts à tous et des conférences sur la musique. Jean-Yves Clément, écrivain, éditeur et organisateur de festivals, est responsable du séminaire de musique classique à l Université populaire de Caen.
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