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Bellat, Stéphane La Chambre d'Hannah ISBN 13 : 9782822402972

La Chambre d'Hannah - Couverture souple

 
9782822402972: La Chambre d'Hannah
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Extrait :
Les années Carotte

Paris, février 1992

Aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais connu d'autre appartement que celui de la rue de Belleville. Les premières années de ma vie, tout au moins. Mes parents l'avaient acheté deux ou trois ans avant ma naissance et ce fut donc à cet endroit précis que j'ai été parachuté. Ils y avaient injecté toutes leurs économies et il me faut reconnaître qu'ils en avaient fait un intérieur plutôt agréable à vivre. C'était un petit appartement parisien avec deux chambres. Il y avait même un jardin, privilège rarissime des rez-de-chaussée. Leur histoire avait donc pris un envol plutôt prometteur, ce n'est qu'un peu plus tard que tout s'est désagrégé.
Christian Descarrières avait rencontré Nathalie Lejault à la terrasse d'un café de la rue Soufflot. Elle n'attendait rien, tout en regardant les inconnus se croiser puis s'évaporer dans la foule. Il avait deux ans de plus qu'elle, c'était en plein coeur du mois de juillet et il faisait une chaleur à tomber par terre. Ils ont échoué là, tous les deux à la recherche désespérée d'un coin ombragé et d'un diabolo menthe. Mes parents vouaient depuis toujours un culte incompréhensible à ce breuvage gavé de colorants. Quant à moi, je n'ai jamais pu l'apprécier. Christian terminait ses études d'histoire à la Sorbonne et Nathalie se destinait au métier d'infirmière. Comme tous les étrangers qui se rencontraient dans un café de la rue Soufflot, j'imagine qu'ils ont ensuite flâné un long moment à travers les allées du jardin du Luxembourg. Et comme tous les inconnus qui se découvrent, ils ont dû se trouver, les yeux dans les étoiles, des myriades de points communs. La déprimante logique du «Tu me ressembles, donc je t'aime».
Ma mère avait perdu ses parents dans un accident de voiture, quelques années auparavant. Ils tenaient ensemble un magasin de vêtements à Bondy. Comme tous les soirs, ils avaient abaissé le rideau du magasin vers 19 heures et, comme tous les soirs, ils avaient emprunté la même route. Un chauffard éméché - un type parfaitement heureux, qui venait de fêter une promotion toute fraîche - a décidé qu'il était temps de mettre fin à la routine. Ma mère a passé les années qui lui restaient avant son indépendance chez sa tante, vers Nemours. Je n'ai donc pas connu mes grands-parents maternels. Ils resteront deux inconnus, perdus quelque part au beau milieu du néant et au destin imprimé dans l'histoire anonyme d'une route de campagne.
Je l'ai rarement entendue parler d'eux. Je ne m'en suis jamais véritablement étonné, puisque pour moi, ils n'avaient pas existé. Ce n'est que plus tard, bien plus tard que, tout comme elle, j'ai compris les raisons profondes de ce détachement. Je ne l'ai jamais entendue dire du mal d'eux, ni quoi que ce soit d'autre. Tout simplement, elle n'en disait rien. Hormis avec sa soeur, Magali, elle semblait n'avoir aucune attache, aucun lien. Il n'existait pas le moindre indice palpable laissant supposer qu'un jour, elle avait eu une autre famille que celle qu'elle avait fondée avec mon père. Ce qui existait avant nous s'était comme évanoui en fumée, en même temps que ses parents avaient disparu. Je n'ai jamais vu, chez nous, la moindre photo de mes grands-parents maternels. Pour témoigner de son passé, il ne restait que Magali. Les premières années de Nathalie Lejault demeuraient donc un mystère impénétrable.
C'est toujours une rafale de points communs qui incite l'un à en savoir davantage sur l'autre. Ils sont le carrefour de toutes les histoires qui débutent. Ce n'est qu'ensuite que les divergences pointent le bout du nez.
Un mot de l'auteur :
La Chambre d'Hannah tire sa genèse d'une histoire vraie : celle de la famille Goldberg, juifs d'origine polonaise, qui habitaient en 1942, au 35 rue de Belleville à Paris. Seul Robert, alors âgé d'une quinzaine d'années, a survécu à la grande rafle du Vel d'Hiv. Ses parents, ainsi que sa soeur Dora, sont morts à Auschwitz. Après avoir rencontré Robert Goldberg à plusieurs reprises, je me suis laissé allé à imaginer que quelqu'un parvienne à voyager dans le temps pour les prévenir, sa famille et lui, du sort qui les attendait. Ainsi était née la trame de La Chambre d'Hannah, avec cette interaction si particulière entre deux enfants, qui n'ont au premier abord rien en commun : ni leur condition, ni leur époque.

A travers ce roman, j'ai aussi souhaité parler d'histoire, mais de manière plus intuitive, en écrivant un scénario qui permette au lecteur de se projeter dans l'enveloppe de l'un des personnages. Ainsi, l'histoire parvient-elle à s'écrire naturellement, de manière presque instinctive et non plus subie comme une discipline didactique.

Stéphane Bellat

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  • ÉditeurEditions Toucan
  • Date d'édition2014
  • ISBN 10 2822402973
  • ISBN 13 9782822402972
  • ReliureBroché
  • Nombre de pages256
  • Evaluation vendeur

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