Extrait :
Je me rendais au marché vendre des bananes. Des hommes ont sauté des buissons. Ils m'ont rattrapée puis m'ont violée. Je ne voulais plus rentrer à la maison. J'avais trop peur qu'ils reviennent Quelques mois plus tard, j'étais enceinte. J'ai donné naissance à des jumelles.
Avant je pensais me marier, avoir beaucoup d'enfants. Maintenant partager ma vie avec un homme me répugne. D'ailleurs qui voudrait de moi ? Souvent les gens me désignent du doigt Je suis la violée. Je pense à ma famille. Que penserait-elle si je la revoyais ? Elle me manque, mais je préfère ne plus la revoir. J'ai peur de retourner dans cette région où j'ai souffert Je reconstruis ma vie avec mes Biles. Dans la crainte du jour où elles me demanderont qui est leur père. J'espère qu'elles comprendront
Chance, 20 ans
J'ai été prise en otage par douze hommes armés. Durant plusieurs jours ils ont fait de moi leur esclave, puis ils m'ont relâchée. Quand je suis rentrée, mon mari m'a chassée. Il ne voulait plus de moi, après tout ce que ces hommes m'ont fait subir. Il m'a abandonnée avec mes deux enfants. Une fois répudiée, je n'avais nulle part où aller. Même ma famille ne voulait plus de moi. Un ami m'a donné de l'argent et m'a conseillée de venir ici. Je ne sais plus qui je suis. Je suis fatiguée. J'ai perdu confiance en moi.
Les gens chez qui je vis s'en prennent souvent à mes enfants.
Ils les accusent de tous leurs maux. Mon mari n'aurait pas toléré cela, mais je n'ai plus de mari. Me voici vulnérable. Je ne cesse de pensera ce que j'ai perdu.
Francine, 28 ans
Un matin, les militaires ont surgi de la brousse. Ils ont tiré sur tout le monde. Ils ont pénétré dans notre case. Ils ont pris mon mari et Vont abattu ainsi que trois de mes enfants. Ensuite ils m'ont violée.
Cinq de mes enfants ont survécu. Je les élève seule. Mais leur assurer une vie décente est impossible pour moi. Je passe mes journées dans la rue à vendre du charbon. Leur éducation en pâtit Ils sont souvent pris en train de voler. Ils ne vont pas à l'école. Nous n'avons pas de toit Il arrive que je ne trouve pas de quoi les nourrir. Imaginer que mes enfants meurent tandis que je possède un champ que je pourrais cultiver m'est insupportable. Je culpabilise. Si seulement mon mari était vivant...
Joséphine, 45 ans
Quand la guerre a éclaté, mon mari et moi nous sommes perdus perdu de vue. J'ai appris qu'il était parti avec un groupe de gens de mon village et qu'ils étaient tombés dans une embuscade. Ils ont tous péri. Le groupe avec lequel je me suis enfuie était composé de femmes et d'enfants. Quand les militaires nous ont rattrapés, ils nous ont toutes violées. Certaines d'entre nous sont mortes. J'ai eu la chance de survivre. Ceux qui ont survécu ont marché alors du Masisi à Bukavu, et même si le chemin a été long et difficile. Je me suis efforcée de m'éloigner le plus possible de nos agresseurs.
À présent, j'essaie de reconstruire ma vie. Je doute de ne jamais parvenir à redevenir normale, à me défaire de ma peur. Je ne supporte pas l'idée d'avoir un nouveau un mari. Élever seule mes deux enfants, voilà le prix à payer pour mener une vie normale.
Chantal, 30 ans
Présentation de l'éditeur :
Michel Juvet est spécialiste en analyse économique et directeur des investissements chez Bordier et Cie, banquiers privés à Genève. Il est par ailleurs membre de la Commission consultative de la coopération internationale au développement du Conseil fédéral. Familier de l'Afrique, il s'y est rendu à plusieurs reprises dans le cadre de la coopération suisse. La photographie constitue son principal hobby depuis de nombreuses années.
Rien, mieux que ce saisissant reportage photographique marqué du sceau d'un grand tact, d'une noble sensibilité et d'une rare maîtrise, ne pouvait éclairer un sujet aussi violent que délicat.
Serge Bimpage, journaliste et écrivain
Les plus beaux projets, en matière de coopération humanitaire et d'échanges interculturels sont spontanés, généreux, imprévus. Ce livre appartient à cette précieuse famille. C'est parce que Michel Juvet, brillant banquier genevois de son état, n'a pas compté son engagement ni calculé son besoin de témoigner que ses images sont belles et fortes. Alors, elles parlent plus que tous les rapports spécialisés.
Gilles Marchand, directeur Radio Télévision Suisse
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