L'ours bleu - Couverture souple

Delessert, Etienne

Couverture souple

ISBN 10 : 2832106641 ISBN 13 : 9782832106648

Editeur : Editions Slatkine, 2015

A propos du livre

Présentation de l'éditeur :

Depuis un demi-siècle, la carrière d'Etienne Delessert est une aventure passionnante et tourbillonnante qui part de sa Suisse natale et le mène aux collines boisées de la Nouvelle Angleterre, où il a élu domicile depuis trente ans, en passant par le Paris des heures glorieuses de la presse et de l'édition. Esprit libre et créateur audacieux, dessinateur de presse internationale ayant collaboré avec les titres les plus prestigieux, auteur et illustrateur de plus de quatre-vingt livres lus par des millions d'enfants à travers le monde, Etienne Delessert est un des plus grands artistes graphiques de notre temps.
Le moment était venu pour ce maître de la couleur et de la métaphore visuelle de dérouler le roman d'une vie hors du commun mais aussi d'exprimer son sentiment sur les mutations actuelles du métier d'illustrateur.
Au cours de ce captivant voyage de cinquante ans, jalonné de rencontres amicales et de collaborations marquantes avec notamment Eugène Ionesco, Jean Piaget, Jean-Claude Carrière, Siné et les frères Gallimard, le graphiste légendaire Herb Lubalin ou encore les virtuoses français de l'illustration André François et Alain Le Foll, les souvenirs abondent. De l'épisode iranien où, dans une volonté de rapprochement avec l'Occident, il fut sollicité pour concevoir des programmes pour enfants, à la guerre fratricide qui ébranla la famille Gallimard et qu'il vécut de l'intérieur, jusqu'à son rôle dans le renouveau de la littérature jeunesse, les anecdotes, tantôt éclairantes, tantôt touchantes, toujours sensibles, se transforment naturellement en moments d'histoire.
À travers cette autobiographie, inédite dans l'univers des arts graphiques, se dessine avec élégance l'histoire d'un artiste international qui plaça l'intelligence et l'émotion au coeur de son travail, mais aussi celle d'un homme profondément attaché au bonheur de vivre.

Exposé en Europe et aux Etats-Unis depuis quarante ans - la première rétrospective eut lieu en 1975 au Musée des Arts Décoratifs du Louvre - Etienne Delessert sera à l'honneur, dès le 23 avril prochain, lors d'une exposition à l'Ambassade de Suisse à Paris.

«Pour avoir changé trop souvent de continents (des histoires de coeur qui vous brisent une carrière), on éprouve le désir de mettre de l'ordre dans sa mémoire, d'élargir le petit cercle de ceux qui connaissent les détours d'une vie depuis longtemps.
Une ligne droite, celle que je me suis fixée à vingt ans, qui choisit la voie publique, celle qui permet d'atteindre un grand nombre par de riches métaphores visuelles.
Rendre visibles des idées, par le dessin, la peinture ou le film, raconter mon humeur par des contes ou de rudes portraits imaginaires, capter aussi la lumière des collines et des petits lacs de Nouvelle-
Angleterre où j'habite depuis trente ans, observer cet ours bleu qui fait la sieste dans les branches d'un noyer, à quelques pas de la grande maison de bois, par un matin de pluie et de brouillard.»

Etienne Delessert

Extrait :

M'ZELLE BESSON

J'avais deux ans et demi lorsque j'ai rencontré ma mère pour la première fois.

Je me souviens très exactement de la couleur de la porte vernie à laquelle j'étais adossé, de sa poignée de laiton et de la petite pièce encombrée où j'étais venu jouer ce matin-là.
Eglantine Besson avait passé une heure dans le bureau de mon père, pasteur de la grande paroisse Saint-Paul, à Lausanne.
Elle s'en vint voir la Bête. Nous devions être un peu intimidés, l'un et l'autre, et n'avons pas beaucoup parlé.
Elle remarqua vite que mon regard était fixé sur un petit canard jaune qu'elle avait accroché à son pull rouge foncé.
- Tu le veux ? me dit-elle, et elle me le donna.
Ce geste scella une alliance de soixante ans.

Ma mère naturelle, Bérengère de Mestral, était décédée d'une pneumonie deux semaines après ma naissance ; ce furent mon père et sa mère qui suivirent mes premières années.
A la mort de ma grand-mère, mon père Ferdinand, alors âgé de cinquante-quatre ans, décida d'engager discrètement une gouvernante.
M'zelle Besson avait enseigné, elle avait alors trente ans et s'en vint donc à Lausanne.
Nous habitions un large appartement couvrant tout un étage dans un bâtiment jaune cossu qui en comportait trois, entouré d'un jardin, avec des plates-bandes de gazon, des allées de gravier, quelques fleurs et un énorme châtaignier. Sur le devant, rejoignant l'avenue de Collonges, une allée bordée de lauriers.
L'appartement était divisé par un long corridor qui, par la suite, nous a vus mon père et moi engagés plusieurs fois par semaine dans des parties de hockey sur terre, avec des balles toutes molles que l'on frappait avec de vraies crosses au bois verni. A gauche et à droite s'ouvraient de grandes chambres dont l'une abritait un piano droit sur laquelle était posée la cage d'un canari. Et les portes-fenêtres donnaient sur des balcons entourés de grilles décoratives.
Un jour nous vîmes un martinet se traîner sur une allée du jardin. Mon père amena délicatement l'oiseau sur le balcon, nous lui donnâmes à boire, puis l'oiseau se glissa sous la barrière et plongea depuis le premier étage, trouvant de justesse les quelques centimètres qu'il lui fallait pour ne pas s'écraser au sol et remonter vers le ciel.

À propos de cette édition

• Éditeur: Editions Slatkine
• Date d'édition: 2015
• ISBN 10: 2832106641
• ISBN 13: 9782832106648
• Reliure: Broché
• Nombre de pages: 254