Extrait :
Je n'aimais pas la dame qui venait juste voir si tout va bien une fois par mois, toujours à l'heure du goûter. Et je n'aimais pas le sourire que Jo se plaquait sur la figure en entendant la sonnette. Quand il était là, Louis donnait l'alarme : son oreille de mécanicien reconnaissait le bruit de l'Austin Mini qui se garait devant le portail. «Vingt-deux, voilà Brattier !» Il traversait le potager en courant (et en chaussons) pour se réfugier au fond du jardin dans son atelier bricolage. Plus naturel, d'après lui, que de rester plantés tous les quatre. «Surtout restons calmes», disait Jo. Elle nous essuyait la figure et les mains avec le premier torchon venu, si bien que j'avais eu un goût d'Ajax dans la bouche une fois ou deux. Puis elle se léchait les paumes, lissait ses cheveux et s'en allait serrer la main à Mme Brattier avec son faux sourire.
Nous restions dans la cuisine, toutes propres avec nos Choco-BN. La première fois, Patricia m'avait poussée du coude. Beurk, elle a les doigts pleins de bave. Elle était placée depuis trois ans, son cas était réglé. Moi, j'étais là depuis vingt-cinq jours et la seule vue de Mme Brattier me faisait trembler aussi.
Pendant quatre mois, Mme Brattier a laissé planer la menace d'une séparation. Je le sais maintenant, nous n'avions rien à craindre. Il fallait désengorger le foyer d'accueil, ce n'était un pour personne, et je devenais de moins en moins adoptable en grandissant.
Ensuite, on entendait Jo depuis le couloir : «Les filles, devinez ! Mme Brattier vient nous faire une petite visite...» Mme Brattier vêtue d'un tailleur entrait dans la cuisine en inclinant la tête comme si elle était trop grande pour nous, bonjour, je viens juste voir si tout va bien.
«Voulez-vous boire quelque chose ?» demandait Jo. Louis débarquait alors, les chaussons pleins de terre, et il tendait son poignet droit avec un franc sourire, Mme Brattier, ça c'est une surprise ! Je ne vous serre pas la main, j'étais à l'atelier.
Quatrième de couverture :
Ici tout existe. Même l'édredon existe énormément. Au foyer, il y a une bande Section Enfance tissée sur tous les draps, dans tous les lits de toutes les chambres [...]Élevée à la Dass, Francine, 9 ans, obtient enfin d'être placée dans une famille d'accueil, au bord de la mer, chez des «prolos». Jo est une ancienne ouvrière qui espère vivre assez vieille pour voir les châteaux de la Loire, et Louis, son mari, un bricolo du dimanche. Tous deux la baptisent Bouclette et lui présentent l'autre petite fille dont ils ont déjà la charge : Pat. Surnommée Plume, elle ressemble à un fantôme à lunettes dans sa robe de chambre.Au fil des jours, des miracles de tendresse vont se produire entre le couple et ces deux petites aux secrètes blessures... Sous leur férule d'amour, elles parcourent un long chemin semé d'embûches et de rires fous, avant de devenir, chacune de leur côté, des Femmes dignes de ce nom...Brossant un portrait bouleversant de deux jeunes héroïnes délaissées par l'existence, Corinne Roche invente une véritable petite philosophie du bonheur, explosive et à mettre entre toutes les mains.
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