Extrait :
Extrait de l'avant-propos :
«ALL OVER»
Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la culture occidentale n'a guère changé, la France se croit encore la capitale des arts sans s'apercevoir que «l'école de Paris» s'est définitivement provincialisée, mais «l'existentialisme» lui donne encore un frisson comparable à celui du surréalisme de l'entre-deux guerres, elle écoute le Jazz arrivé d'Amérique dans le barda des G.I. dans ses boîtes de nuit, elle lit Faulkner et Joyce, Sartre et Boris Vian, bientôt le théâtre «brechtien» viendra battre ses estrades, Ionesco et Beckett installeront l'absurde dans de minuscules théâtres, et Camus en théorisera la philosophie, mais la société bouge à peine, L'industrialisation commence et avec elle le développement des villes, les «trente glorieuses» en sont à leur début, la France sort à peine du cauchemar de la guerre. La culture qui forme son horizon intellectuel n'a guère changé depuis le début du siècle où elle avait d'un coup beaucoup changé. Or le nouveau type de société qui se prépare est déjà à l'oeuvre de l'autre côté de l'Atlantique et il mettra quelques années à façonner la nôtre.
La peinture américaine des années cinquante va cependant nous donner une bonne image de ce que la culture va devenir par la suite. Dès 1954, Robert Rauschenberg allait proposer ses «combine» et «combine painting» pour désigner des oeuvres de technique mixte incorporant des éléments disparates de l'environnement quotidien et de la consommation courante, des assemblages hétéroclites dont le sens hésite toujours entre simple juxtaposition et ordre aléatoire. De plus ces «tableaux» ne se regardent plus verticalement ni frontalement comme il était de coutume dans la peinture de représentation où un sujet voyant se confrontait à un espace orthogonal dont les codes étaient connus depuis le xiVe siècle. Désormais le tableau est à plat, généralement au sol, posé horizontalement comme une chose. Ces «flat-beds», selon l'expression du critique d'art Léo Steinberg, s'apparentent à des sols, des dessus de tables, des surfaces à déposition d'information, à des plans de travail, à des scènes. La spatialisation devient totale et le tableau, fragment du réel. Ce changement de plan est aussi un changement de sens qui ne sollicite plus l'intelligence de la même façon qu'auparavant : «comprendre - dira Rauschenberg - est une forme d'aveuglement. Le bon art, selon moi, ne peut jamais être compris».
Présentation de l'éditeur :
Le Malaise de la culture revisite l'histoire des politiques culturelles publiques en France depuis l'époque du Front populaire, s'attarde sur le «moment» fondateur de la création d'un ministère de la Culture au temps d'André Malraux, examine l'enjeu de la démocratisation culturelle, ses difficultés et ses obstacles qui aboutissent à ce qu'on désigne aujourd'hui comme «l'échec de la démocratisation». L'auteur décrit les changements qui ont affecté le domaine culturel ainsi que l'attitude des nouveaux usagers de biens culturels soudain plus accessibles et analyse les changements dans les comportements culturels qui en découlent. Face à ces mutations de l'environnement, il décrit un État «encombré» qui a empilé les priorités successives et doit faire face aujourd'hui à une situation bloquée par l'absence de financements nouveaux.
Il analyse une situation sur laquelle pèse la crise des intermittents du spectacle, observe le déclin de la politique culturelle à l'étranger et la difficulté qu'éprouve notre pays à «promotionner» ses artistes au-delà des frontières et sur la scène internationale. Enfin, il invite à nommer ce «malaise» pour l'identifier et à changer de discours, il esquisse quelques pistes pour «sauver la culture» en lui redonnant une visibilité et une ambition renouvelée au prix d'une sérieuse remise en question de ses présupposés. Ce livre roboratif fera peut-être grincer quelques dents, mais il est dans le contexte actuel d'une actualité nécessaire dans un pays qui a fait de la culture un enjeu national identitaire.
Philosophe de formation, ayant écrit de nombreux textes sur le théâtre, Marc Bélit est directeur d'une Scène nationale. Il a également publié Le défi culturel en 1992 et Fragments d'un discours culturel chez Séguier en 2003.
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