Extrait :
Le débat sur le coloris
La manière dont Testelin rend compte des discussions académiques dans ses Discours publiés en 1693 ou 1694 est sans doute plus fidèle à la réalité que l'image qu'en donne félibien. Ces Discours laissent en effet apparaître à l'occasion qu'il n'y avait pas unanimité sur telle ou telle question au sein de l'Académie. Le débat sur le coloris, tel qu'il a été initié par Roger de Piles, est généralement présenté dans les ouvrages d'histoire de l'art comme le signe d'une évolution historique de l'art et du goût. Après une phase dominée par Le Brun cl placée sous le signe de Raphaël et des grands maîtres bolonais, le goût aurait changé et l'on aurait découvert l'art des Vénitiens et la peinture de Rubens autour de 1700. Or, dès l'origine, les académiciens ont discuté du rôle qui devait être attribué au dessin et à la couleur ; cette question, dont tous reconnaissaient 1'importance, a d'emblée constitué un point essentiel des débats de l'Académie. Et Testelin ne laisse subsister aucun doute sur l'existence de profondes divergences entre les académiciens autour de cette question lorsqu'il présente, dans son discours Sur la couleur publié en annexe de ce tome, les conceptions des différents professeurs. L'élaboration de lignes directrices contraignantes ne pouvait donc se faire que contre l'un ou l'autre des partis.
Si l'arbitrage de Le Brun, appuyé sur son autorité personnelle, a pu permettre de trancher provisoirement le débat, sa politique devait être remise en cause après sa mort, laissant le champ libre à d autres conceptions.
Les textes de Testelin montrent aussi le rôle primordial qui était assigné aux conférences d'un point de vue pédagogique : elles devaient servir de fondement à l'instruction destinée aux élèves. Les débats théoriques sur l'art avaient pour finalité de définir un système d'enseignement, celui-là même qui marqua l'évolution de l'art en France pendant deux siècles. Toutefois, ce système d'enseignement était assez souple pour accueillir la richesse et la multiplicité des formes d'expression dont la peinture française fit preuve aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Présentation de l'éditeur :
VOLUME I : de la première conférence de Charles Le Brun, du 7 mai 1667 à propos Saint Michel terrassant le dragon de Raphaël, à la conférence du 9 janvier 1672 par Charles Le Brun : Sentiments sur le discours de Blanchard
VOLUME II : de la conférence du 11 juin 1672 de Philippe de Champaigne : De l'éducation de la jeunesse suivant son génie naturel (contre les copistes des manières), à la conférence d'Henry Testelin du 4 février 1679 : Lit sa Table sur la couleur à l'Académie.
Textes de Henry-Claude Cousseau, Directeur de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris ; Christian Michel, Professeur d'histoire de l'art, Université de Lausanne ; Jacqueline Lichtenstein, Professeur des Universités (philosophie), Université de Paris IV-Sorbonne
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