Présentation de l'éditeur :
Pour les hommes, tout ce qui a de l'être a de "l'éclat". Il y a donc une hiérarchisation possible de ces effets de sidération, qui ne se subordonne à aucun autre critère que celui de leur puissance (relative) d'éblouir. Peut-être est-ce l'une des opérations majeures des arts visuels, mais aussi bien de la poésie, que d'opérer cette hiérarchisation pratiquement, jusqu'à ce que la reconnaissance en devienne possible. Placer "l'être en face de lui-même", l'abandonner à lui-même pour le laisser étalonner par ses propres forces les puissances de ses divers cantons, peut aussi bien être, alors, le laisser se composer/décomposer au tribunal de ses éclats, de ses puissances, de ses forces, hors tout jugement hétéronome (moral, technique, politique, religieux, etc.). Le moment moderne paraît avoir perdu, dans l'art, le goût de "perfections" closes sur leur principe, qui s'achèvent en une oeuvre séparée. Il pourrait même sembler qu'il accorde du prix à certains "défauts", loués pour leur pouvoir de révélation scandaleuse de quelque trait de l'être laissé "en face de lui-même" non circonscrit d'avance, non maîtrisé, toujours à conjurer: en cela, encore dangereux.
Extrait :
[Le Théâtre et le Temple]
Trapani, 3 août 1994.
[...]
Hier, Ségeste. Théâtre posé devant le vide, saluant la mer. Flagrante évidence du génie de l'architecture, art premier. L'hémicycle aux vingt rangs de gradins répond par son mouvement, sa position, son échelle, aux rythmes intimes du lieu ; aggrave sa profondeur scénique d'horizons marins, de reliefs montagneux, de ciels, lesquels donnent à leur tour perspective aux cheminements et aux travaux des hommes, jusqu'ici parvenus par ce port, en contrebas, que le Théâtre, là-haut, couronne de perfection symbolique. Me frappe la juste échelle de cette réponse humaine à un paysage.
Cette prise de possession de l'espace naturel trouve à Ségeste une expression très pure. Trait posé par le Temple sur la montagne. Netteté. Force. La figure vaut par une simplicité, une clarté, une sobriété efficaces. Un art d'évidence, aux proportions d'une gageure cyclopéenne - car répondre ainsi aux Puissances du sans nom est d'abord audace, défi. -A moins que, plus sereinement, le pouvoir de l'architecture soit de donner chance au dialogue avec des espaces innocents. Elle les inviterait à quitter un instant l'indifférent quant-à-soi du simplement-là. - Qu'un peu de chance lui soit donnée, le paysage répondrait à son invite.
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