Extrait :
Extrait de l'introduction
«Il parlait français fort intelligiblement...
Je suis Huron, lui répondit le jeune homme.»
Voltaire l'Ingénu
UNE EXPÉRIENCE
Ce livre est d'abord le fruit d'une expérience, soit environ sept années de séjours cumulés en RDA, pour la plus grande part à Weimar, où je fus détaché comme chercheur scientifique, mais aussi à Berlin, Halle, Dresde et Greifswald, soit au centre au sud et au nord du pays. De plus, ces séjours s'étendent de 1962 à nos jours, et m'ont donc permis de suivre toute une évolution, de la construction du mur à la reconnaissance internationale, puis de la chute du mur aux conséquences de l'unification, en entretenant des contacts avec des personnes très diverses.
J'entendis souvent en RDA la réflexion : «Ah, vous, vous venez de l'Ouest !» Je devais chaque fois rectifier : «Non, du Sud-Ouest !», ce qui n'était pas qu'une boutade de Gascon. Je signifiais ainsi que je pouvais avoir un statut d'observateur, y compris critique, sans être confondu avec un habitant de la RFA.
Mon expérience fut très différente de celle vécue par la plupart des autres Français ayant connu la RDA, qu'ils aient été étudiants, invités, touristes, journalistes ou diplomates. Car j'ai partagé dans tous les domaines la vie quotidienne des habitants, comme employé d'une institution, salarié, membre d'une brigade, habitué d'une cantine, contribuable, locataire, adhérent à la Sécurité sociale, consommateur, spectateur, etc. J'en ai ainsi vécu «de toutes les couleurs», et c'est donc à partir de la vie des gens que je souhaite réexaminer ce que fut cet État disparu, en retenant ce qui est significatif, symptomatique, éclairant, bien que parfois masqué par les apparences ou même abrité derrière une plaisanterie.
Le tour et le ton de ce livre seront donc très personnels, mais en ayant à l'esprit que la génération des témoins disparaît peu à peu et qu'il est grand temps de rapporter des images, des faits et gestes menacés par l'oubli ou l'emballement des événements. Comme le grand cinéaste iranien Abbas Kiarostami le confiait dernièrement (dans l'Humanité au 30 décembre 2009) : «Ce qui nous fait vieillir, ce sont les expériences contradictoires. Ce qui nous use, c'est de ne pas en tirer les enseignements.»
En vingt ou trente ans, des rencontres, des conversations, des moments vécus ont gagné en saveur, en épaisseur ; des corrélations s'établissent a posteriori, des signes peuvent être interprétés, du sens caché se révèle. Cela autorise donc divers niveaux de lecture.
Mais, comme un ouvrage collectif international publié en 2009 posait la question dans son titre : Why Weimar ? Est-ce que cette ville m'offrait un prisme suffisant à travers lequel je pouvais observer l'ensemble ? C'est ce que je prétends, dans la mesure où la riche histoire et la densité culturelle de Weimar m'ouvraient une bonne vue perspective sur l'Allemagne d'hier et d'aujourd'hui. Une des brochures accompagnant le visiteur dans le musée de la ville (Stadtmuseum) en 1999 avait d'ailleurs pour titre, difficile à traduire dans sa brièveté : Poetische Weltprovinz, soit à peu près : Province poétique d'ampleur mondiale. C'est du moins ce que j'ai largement ressenti.
Présentation de l'éditeur :
L'auteur, germaniste, professeur d'université honoraire, a vécu environ sept ans en RDA, par séjours cumulés de 1962 à nos jours, dont une part importante à Weimar comme chercheur, partageant les conditions d'existence réelles des habitants.
A travers 60 récits aux ambiances diverses, autonomes et complémentaires, se fondant sur des expériences, rencontres, entretiens, événements ou anecdotes, il propose des portraits rapprochés, des éclairages multiples, débouchant sur des analyses et bilans contrastés, un inventaire des cohérences et contradictions, des évidences, complexités et paradoxes.
En suivant au plus près la vie des gens, tout en s'appuyant sur une documentation rigoureuse, ces récits regroupés thématiquement abordent autant le travail quotidien que la culture, l'héritage historique que la politique, l'identité propre que la nation, les frontières que la diplomatie, la consommation que la recherche, le classicisme que les jeunes auteurs.
Sans «ostalgie» sont posées les questions : Comment vivaient-ils avant ? Que souhaitaient-ils pendant ? Qu'ont-ils obtenu après l'unification du 3 octobre 1990 ?
Avec vingt ans de recul, sans simplifications grossières ni amalgames, qu'y a-t-il à retenir, à méditer, sur les quarante ans d'existence de la RDA, ses tenants et aboutissants ?
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