Extrait :
Roumanie, réminiscences... ou Liliana Nadiu.
Quel est le titre de ce livre ?
Comme le suggère l'ordre des mots sur ces premières pages, c'est bien de la Roumanie dont Liliana nous parle.
Et il n'y a pas plus belles paroles que ses images.
Des images façonnées dans une ample palette de noirs, de blancs, et de gris nuancés. Les noirs, graphiques, structurent l'image.
Les blancs, posés avec parcimonie parmi les noirs et les gris, lui restituent sa profondeur. La composition, économe d'artifices et de sobre rigueur, laisse pourtant l'image se démultiplier. Presque toujours de petites images émergent des plus grandes, se donnant à ceux qui se laissent envahir.
L'ensemble des images est posé sur une grande page blanche qui permet de les unifier toutes, dans un même regard. Seul, à la fin, un monde plus intérieur s'offre quelques couleurs...
Ce livre se lit comme un album de famille, dont un artiste, photographe, aurait composé les premières pages il y a un siècle, et la dernière aujourd'hui.
Le personnage principal, qui revient à chaque page, c'est "la terre". Celle d'un pays, la Roumanie, que Liliana Nadiu pose dans sa totalité. On ne peut parler de racines, puisque l'arbre tout entier nous est révélé.
Et dans une sorte de basculement des axes, Liliana Nadiu met tout à l'horizontale, et permet ainsi au pays de s'étendre dans toute sa largeur. L'image a commencé à la page précédente. Elle repousse ses bords, sort du cadre, pour s'ouvrir, se poursuivre ailleurs.
Elle embrasse trop pour être contenue. Elle donne à voir ce qu'elle voit, sans limite.
Et le pays sans âge s'anime.
Bonheur du regard jeté du haut d'une colline où l'on est heureux d'être, au-dessus, et de se sentir en même temps juste au milieu, dedans complètement. Nous sommes au petit matin. L'ombre est discrète. Pas de lumière aveuglante qui tomberait du ciel.
Une lumière plus douce qui irradie du sol, qui vient de la terre. Respiration contenue et diffuse.
Les lignes d'horizon se courbent. Elles viennent vers nous, et nous attrapent. Nous sommes attirés dans l'image, nous en devenons les personnages. Nous avançons entre les meules de foin, derrière une charrette, aux côtés d'un cheval, le long d'un chemin.
On marche beaucoup dans les images de Liliana Nadiu.
On marche au rythme d'un temps qui nous permet de savourer l'espace, au rythme d'hommes et de femmes qui font leur temps comme on fabrique un outil, comme on fait le pain, chaque matin. Le rythme d'un homme qui vit avec "son" temps.
Là est la force des images de Liliana Nadiu : installer ainsi un temps si particulier, à la fois dans sa longueur et dans sa lenteur.
Le temps s'égrène dans un mouvement subtil qui nous permet d'avancer avec légèreté.
Et c'est ainsi que ce pays devient forcément le nôtre.
Présentation de l'éditeur :
La Roumanie que nous fait découvrir Liliana Nadiu ne ressemble guère à l'image que les médias occidentaux nous ont donnée de ce pays.
Son regard nostalgique et sensible retient la beauté de certains paysages que l'urbanisation accélérée de notre société risque de mettre en péril un peu partout dans notre vieille Europe soumise à la mondialisation.
C'est ainsi que Liliana Nadiu revisite des villages, des maisons et des églises qui restent de véritables trésors pour le patrimoine de ce pays. Son message implicite s'adresse aux commissions internationales de protection des sites de l'UNESCO, dont les interventions, le plus souvent énergiques, ont récemment sauvé les alentours de Prague, et la vue sur le centre historique. En Hongrie, l'attention a été attirée pour des châteaux laissés à l'abandon.
La Roumanie ne fera pas exception, même si l'UNESCO s'est félicité de la restauration de Sibiu, - anciennement Hermannstadt sous l'empire austro-hongrois -, ville déclarée en 2007 capitale européenne de culture, en même temps que Luxembourg.
Liliana Nadiu n'a pas cherché à faire du militantisme, elle a simplement choisi de privilégier le patrimoine du coeur, les gens attachés à leurs traditions, et fiers de leur mode de vie. Son travail ne s'entoure d'aucun procédé sophistiqué, il lui suffit de saisir au vol une cuisinière auprès de son four, des oies qui semblent donner un concert, un cercueil sur une charrette suivie d'un cortège, un pope prêt à tendre sa main aux fidèles qui selon le rite orthodoxe y poseront leurs lèvres.
En un mot, son album est une belle invitation à un voyage initiatique à ne pas manquer.
Henry Chapier
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