Extrait :
L'adieu
Le 20 janvier 2005, vêtu d'un pardessus et d'une écharpe rouge et blanc, Rainier entrait sous la grande tente installée à Fontvielle, juste en dessous de son palais, pour marquer de sa présence l'ouverture du 29e Festival du cirque de Monte Carlo.
Dès son apparition, accompagné d'Albert et de Stéphanie, les milliers de personnes déjà assemblées se dressèrent d'un bond et l'accueillirent par un feu nourri d'applaudissements. Cette salve ininterrompue dura plusieurs minutes. Mais nul, désormais, ne pouvait l'ignorer : le conte de fées touchait à sa fin. Et c'est les larmes aux yeux, émacié et très las, que le vieux souverain, âgé de quatre-vingt-un ans, reçut l'affection de son peuple.
Le 18 février, assisté de son médecin, on le voyait encore à la tribune officielle du stade Louis II, où l'A.S. Monaco affrontait l'équipe de Lyon devant plus de dix-sept mille spectateurs. Sa dernière et fugitive apparition publique. Moins d'un mois plus tard, le 7 mars, il était hospitalisé pour une «surinfection broncho-pulmonaire aiguë» compliquée de soucis cardiaques et rénaux. Sa cinquième hospitalisation depuis décembre 2003. La précédente, le 26 octobre 2004, faisait déjà suite à une infection broncho-pulmonaire.
Deux semaines plus tard, le mardi 22 mars, il était placé en réanimation sous assistance respiratoire mécanique au Centre cardio-thoracique de la principauté. Et, tandis qu'à Monaco tout un peuple retenait ses larmes, un autre souverain, à Rome, bravait la mort. Le pape Jean Paul II, à la limite de ses forces, n'omettait pas, la veille de Pâques, d'adresser à Rainier sa «particulière bénédiction», par le truchement de son secrétaire d'État.
De «très réservé» le dimanche 20, le pronostic vital du prince était toujours jugé «préoccupant» le lundi 21 et «réservé» le vendredi 25 mars, en dépit d'un léger rétablissement. Le samedi 26, un communiqué faisait part d'un pronostic «extrêmement réservé», indiquant :» L'état de santé de son altesse sérénissime le prince Rainier III ne cesse de s'aggraver.» Tout au long de ce long adieu, Monaco fera preuve d'une rare transparence sur le déclin de son souverain.
Dans la journée du mardi 23, Caroline et Albert précédaient l'archevêque de la principauté, Mgr Bernard Barsi, au chevet du prince, tandis qu'à l'extérieur les policiers tentaient d'endiguer une marée de journalistes venus du monde entier. Les gros titres étaient déjà prêts. Dans quelques jours, Rainier rejoindrait Grâce...
La dernière décennie avait été difficile. En 1994, Rainier avait subi un double pontage coronarien - celui-là même qui, ayant provoqué une lésion des coronaires, devait conduire à sa dernière hospitalisation. Cinq ans plus tard, il était opéré pour un anévrisme de l'aorte abdominale. L'année suivante, les chirurgiens procédèrent à l'ablation partielle d'un poumon. Une nouvelle intervention fut décidée lorsqu'on découvrit que l'air s'accumulait dans sa poitrine. Deux ou trois ans après, il passait trois semaines à l'hôpital pour se remettre d'une «fatigue générale», selon les termes de ses médecins. Il dut bientôt y retourner pour une lésion coronaire et des ruptures de vaisseaux sanguins. Puis une nouvelle fois pour une infection thoracique. Les problèmes rénaux finirent par l'emporter, avec des difficultés cardiaques et pulmonaires aggravées par plus d'un demi-siècle de tabagie.
Même en mauvaise santé, même pendant les derniers mois, lorsqu'il paraissait si frêle que nul ne pouvait ignorer son mal, il affronta l'inévitable avec la dignité et la noblesse dont il avait toujours témoigné face aux triomphes et aux crises d'un règne de cinquante-six années.
Bien que né à Monaco, il n'y avait pas grandi : ses parents s'étaient séparés, et son enfance passa solitaire, à leur rendre visite, tout en vivant chaque année quelques mois avec son grand-père, prince régnant, dans le palais sombre et humide dominant le port. Le Monaco de sa jeunesse était un lieu lugubre, vivant sur le souvenir d'un âge d'or depuis longtemps révolu.
Tout changea lorsqu'il épousa Grâce Kelly. L'une des plus belles femmes du monde électrifia la Côte d'Azur comme seule une star de cinéma pouvait le faire. Elle fit venir d'Hollywood amis et personnalités qui refirent de Monte-Carlo l'endroit le plus prestigieux du monde. Pendant les vingt-six années qui suivirent, Rainier et sa princesse entretinrent cette magie.
Présentation de l'éditeur :
Le 20 Janvier 2005, ovationné lors du 29e Festival du cirque de Monte-Carlo, le vieux souverain en larmes avait pris congé de son peuple après plus d'un demi-siècle de règne. Nul, désormais, ne pouvait l'ignorer : le conte de fées touchait à sa fin. Le 6 avril, Rainier rejoignait Grace, vingt-trois ans après l'accident qui avait transformé, sur une route escarpée des environs de Monaco, une légende moderne en tragédie antique... Quel héritage Rainier Louis Henri Maxence Bertrand Grimaldi laisse-t-il à son successeur, le prince Albert ? Celui d'un homme qui aura métamorphosé le petit royaume endormi dont il avait hérité en 1949 ? Ou celui d'un prince qui, en retenant auprès de lui l'actrice fétiche d'Alfred Hitchcock, fut l'ordonnateur de la fête permanente qui stupéfia le monde pendant un quart de siècle ? Proche des Grimaldi, Jeffrey Robinson, en même temps qu'il accédait aux archives du palais, a recueilli depuis vingt ans les confidences des membres de la famille princière. C'est à lui que Rainier, pour la première fois, a raconté comment, en 1955, il tomba amoureux de Grace Kelly, venue présenter son dernier film à Cannes. En une série d'instantanés saisissants, il ressuscite ce bal ininterrompu de célébrités - Frank Sinatra, Winston Churchill, Cary Grant, Aristote Onassis... - qui fit du rocher le mieux fréquenté au monde le théâtre d'une histoire d'amour inoubliable...
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