Extrait :
Extrait de la préface de Henri Amouroux, Président du Prix Albert Londres :
Quel oeil ! Quel oeil, celui d'Albert Londres. Il juge, jauge, décortique une ville. Elle devient un monde. Il est vrai que la ville s'appelle Marseille. Atypique Marseille dans la France provinciale de 1926, des romans de Mauriac, Chardonne, Bordeaux. Une ville, Marseille ? Non, un port, une porte ouverte aux hommes venus pour une escale ou pour une vie. Quel oeil, Londres ! Où le commun voit des Marseillais, il voit les Grecs vendeurs d'amandes grillées ou puissants financiers, les Italiens, les Espagnols, les Anglais (en toutes circonstances anglais d'abord), les Arabes, les Roumains, les Éthiopiens et ces Arméniens jetés par la dernière vague dans le camp Oddo, «un camp où l'on ne voudrait pas tomber pour un empire» mais dans lequel, plus forte que la misère, l'espérance fleurit toujours.
1926. N'oubliez pas ! Le monde est en paix depuis huit ans à peine. On ne se bat plus sur mer. Des navires neufs ont remplacé les flottes coulées. Ils sont chargés de toutes les richesses de la terre. Et de toutes ses détresses. L'oeil de Londres ne s'y est pas trompé, «Marseille est une ville heureuse où passent beaucoup de malheureux. Il y a de pauvres arabes, de pauvres nègres, de pauvres blancs».
À ceux qui, «par la route de l'eau sont venus mendier une patrie», Londres, en un temps où l'immigration était presque une idée neuve, accorde le quart environ de ses quatorze articles.
Mais l'oeil de Londres capte aussi le pittoresque, la «couleur locale», glisse sur «Monsieur Alphonsin qui vend du plaisir en Syrie»... et vient s'approvisionner à Marseille, sur le pilote de la rivière de Saigon pour lequel «c'est pas mal la France», mais qui en Cochinchine, se sent plus «chez soi» et l'oeil s'attarde sur les dames qui, avec cartons à chapeaux et «petits chiens chéris», embarquent à destination de la Chine mystérieuse.
Biographie de l'auteur :
En 1926, au retour d'un reportage dans la Pologne de Jozeph Pilsudski, Albert Londres va concrétiser un projet qu'il formait depuis longtemps : s'arrêter pour une fois à Marseille, ce port où il embarque d'ordinaire pour partir au loin. Faire le portrait de cette cité cosmopolite et déjà " multiraciale ", examiner ce port prestigieux dont le destin épouse celui de l'empire colonial. A Marseille, ouverte sur le grand large, se côtoient les immigrés, les aventuriers, les marins. Et puis, il flotte sur cette ville une grande idée à laquelle Albert Londres mieux que quiconque est sensible : celle du départ. Conçu dès le départ pour aboutir à un livre, ce projet de reportage est approuvé une fois de plus par Elie-Joseph Bois, rédacteur en chef du Petit Parisien. Les douze articles qui le constituent sont publiés durant l'été 1926 C'est une version revue et nettement augmentée - celle qu'on lira ici - qui paraîtra un peu plus tard aux Éditions de France, maison qu'a rejointe Henri Béraud, vieil ami et complice d'Albert Londres
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