Pourquoi aimer ?

Simha, André

ISBN 10 : 2843012112 ISBN 13 : 9782843012112

Editeur : Aléas, 2008

A propos du livre

Présentation de l'éditeur :

Il se peut que ce soit le privilège de la philosophie de pouvoir faire table rase des pensées anxiogènes et tristes, comme toutes celles qui tournent autour de l'idée (vraie, mais pour un ego pris au piège de la dépendance) qu'i'/ n'y a pas d'amour heureux.
Mais y a-t-il quelque chose de commun entre la philia de la philosophie, qui est amitié partagée et joyeuse, et le don érotique absolu, sacrificiel, où se nouent dans la sombre lumière de la Chose aimée la jouissance et la cruauté, la mort à soi et la divinisation de l'idéal, comme le veut l'amour mystique, et de façon presque semblable, l'amour de l'Art érigé en absolu ? Si tout amour est transgression des limites individuelles, légales et sociales, aller au-delà de la condition humaine se paie d'un prix immense : le sacrifice de ce qui nous y attache, la recherche de l'amitié, de l'amour personnel, du bonheur. Eros ne prend-il pas le visage du désastre, lorsque à suivre ses exigences sans fin, l'ego consent à sa propre perte ?
Par bonheur, en contrepoint, l'expérience philosophique de l'amour oppose son humour et sa profonde légèreté à cette exaltation mystique et/ou érotique, à cette fascination du don absolu de soi, à cette jouissance et cette cruauté qui ont partie liée dans l'exigence d'amour absolu.
Situer l'amour dans le registre de la joie, comme épanouissement de la puissance d'exister, de penser et d'agir, c'est l'ouverture prodigieuse que propose l'Ethique de Spinoza. N'offre-t-elle pas à l'entendement et à la vie, une tout autre possibilité d'amour que celle qui relève de l'ego, du sujet s'asservissant lui-même sous l'empire de la passion ? Ne trouve-t-elle pas son couronnement dans un amour de l'Etre qui fait la communauté véritable des esprits libres ? Nous avons demandé à la sagesse de cet amour (ou de cet humour) philosophique d'accompagner notre parcours semé de pièges et d'embûches, comme Athéna le fit pour Ulysse. La philosophie nous montre avec Aristote et la sagesse de l'amitié heureuse, avec Spinoza et la joie de comprendre et d'aimer, avec Kierkegaard et la séduction musicale, comment l'esprit peut s'affranchir de la pesante servitude passionnelle, devenir libre et léger, - sans se priver du bonheur d'aimer...

André Simha. Agrégé de l'Université et Docteur en philosophie, Directeur de collection chez Armand Colin, a publié divers ouvrages philosophiques dont : Pour connaître Nietzsche (éd. Bordas), Le texte du corps (PU de Lille). La conscience (A. Colin), Le bonheur (en collaboration avec Suzanne Simha) (A. Colin), des articles du Grand dictionnaire de philosophie : Le corps, ultime raison ? Le corps. Le monisme. L'ascétisme (éd. Larousse), Spinoza et Rembrandt (L'enseignement philosophique) Textes au abords de la folie (Frénésies, revue de psychanalyse) Ulysse ou le mythe de la raison (Sud), Les modèles biologiques de Nietzsche (Agone), Lire, écouter, comprendre (L'enseignement philosophique), Comment penser à l'âge de la puissance illimitée ? (Critique, 727)

Extrait :

Pourquoi "Pourquoi ?" ?

1) De l'intérêt d'une question
Aristote établissait jadis ainsi les enjeux et la portée d'un certain type de questionnement philosophique : "Nous ne croyons connaître rien avant d'en avoir saisi chaque fois le pourquoi" ; et ce "pourquoi", familier d'apparence, était aussitôt orienté vers la recherche de "la première cause". Ce mode de questionnement inscrivait alors la philosophie dans une dimension "physique", tout en favorisant son élévation (ou son vertige) métaphysique.
Mais la question portant sur le "pourquoi" des choses peut également décomposer ce qui est tantôt conjonction ou adverbe et tantôt nom commun en "pour-quoi", permettant du même coup une réflexion sur les fins, vers ce que la tradition nommait les "causes finales", c'est-à-dire ce en vue de quoi une chose est.
Ce type de question fut néanmoins évacuée, sans grand ménagement par Spinoza dans l'Ethique et plus tard, de façon quelque peu imprudente, par un Auguste Comte qui interdira au savant philosophe de formuler tout "pourquoi", nécessairement puéril, dans la mesure où, parvenu enfin à une rayonnante maturité, l'esprit humain devrait désormais s'abstenir de "chercher l'origine et la destination de l'univers, et (de) connaître les causes intimes des phénomènes". Ce que Comte visait alors était, bien entendu, ce "pourquoi" métaphysique, riche de tant d'angoisse mais qui emporté et transporté par un élan sans fin demeurait sans écho ni réponse. C'est par, exemple, le "pourquoi" d'un Pascal écrivant : "quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée dans l'éternité précédant et suivant, le petit espace que je remplis (...), je m'effraie et je m'étonne de me voir ici plutôt que là, car il n 'y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors", que récuse notre positiviste pur et dur.
Le "pourquoi", ainsi disqualifié et rejeté dans les oubliettes du temps, n'est-il que question d'enfant, façon inépuisable de questionner l'adulte jusqu'à l'épuisement ? C'est aussi un philosophe, Karl Jaspers, qui souligne la grâce de ces questions enfantines dont la gravité et la radicalité déstabilise et étonne (autre vocation de la philosophie) car elles parviennent parfois à faire chanceler l'évidence, trop évidente, et à interroger ce qui va de soi et s'impose de fait, par l'épaisseur de l'habitude et le poids de l'opinion. Certes, il est des façons de questionner qui demeurent à jamais puériles mais les questions d'enfants peuvent avoir tout l'intérêt paradoxal de leurs dessins : formateurs et parfois agaçants, ils sont autant de façons de dire le monde, de le découvrir comme à tâtons et de l'interroger avec étonnement.

À propos de cette édition

• Éditeur: Aléas
• Date d'édition: 2008
• ISBN 10: 2843012112
• ISBN 13: 9782843012112
• Reliure: Livre broché