Extrait :
Les types d'usages de l'information
♦ Les usages de l'information : de quoi parle-t-on ?
Bien que le terme de «chaîne documentaire» soit passé de mode et ait cédé du terrain devant celui de réseau, il est intéressant de l'appliquer aux usages de l'information : le lecteur traditionnel se déplaçait en bibliothèque, cherchait l'information, la recopiait ou photocopiait des extraits et constituait son oeuvre propre, elle-même diffusée dans les circuits de l'édition, de la librairie, puis des bibliothèques. Aujourd'hui, la «chaîne des usages» s'est déplacée : on cherche l'information d'abord sur Internet, avec le conseil éventuel de prescripteurs (amis, collègues, enseignants), on opère un premier niveau de lecture-filtrage avant de décider du sort des informations trouvées (abandon, enregistrement, annotation, réécriture, archivage personnel, partage des informations, etc.); cette chaîne se fragmente et se démultiplie en potentialités multiples pour celui qui «opère» sur l'information.
Fréquentation/consultation/navigation
Fréquenter un espace physique, c'est s'y déplacer et l'occuper au cours d'une période donnée, selon un rythme ou une périodicité variables. L'usager peut fréquenter un espace sans en exploiter forcément ses ressources. Dans le cadre d'un espace virtuel, on n'utilisera pas le terme de fréquentation mais plutôt celui de consultation ou de visite, sachant que celle-ci peut être unique et implique moins souvent la répétition.
Quant aux termes de «navigation» ou de «surf», déjà anciens, ils peuvent impliquer une connotation négative de perte de temps, voire de perte de repère, chez un visiteur qui cliquerait un peu trop sur les liens, rebondirait d'une recherche à une autre et adopterait ainsi un comportement jugé compulsif. Si ce type de recherche ne correspond pas aux logiques classiques validées par les éditeurs ou fournisseurs d'informations, il a l'avantage de leur apporter du trafic, notamment via des réseaux sociaux, et fournit à tout surfeur son lot de découvertes inattendues, bref de sérendipité.
Usage/Utilisation/Usabilité
Pour définir les termes d'usage et d'utilisation, il peut être utile de les replacer dans un contexte de processus : un processus est un système d'activités qui produit du changement, transforme des matières ou des situations données en produits ou services. De même, l'utilisation d'informations induit et facilite des changements à tous les stades de l'activité, l'absence d'informations rendant a contrario plus difficile la prise de décision.
Attesté dès 1155, le mot usage vient du mot latin us qui désigne historiquement une pratique généralement reçue, une coutume, d'où l'expression des bons et mauvais usages, usages prescrits et usages interdits. On parle plutôt des usages d'une ressource, d'un espace, d'un site, etc., au pluriel car on s'accorde à penser aujourd'hui qu'il existe des usages différenciés selon les contextes. Le sens du mot évolue pour se rapprocher d'une manière d'être ou de faire, ou encore d'une pratique née d'un besoin, d'une motivation particulière.
Les logiques d'usage proposées par Claude Poissenot pour les usagers des bibliothèques sont des reconstructions du réel qui «rassemblent des éléments de nature différente : situations, déterminants, attentes, habitudes, contraintes, etc.» comme autant de facteurs, de motivations aboutissant à des comportements donnés. Parmi ces logiques d'usage, nous avons pu valider à plusieurs reprises «l'affiliation à un groupe», «l'invention de soi» et «la confirmation de soi». Claude Poissenot se réfère alors aux logiques d'action possibles pour un individu, d'après les travaux réalisés par François Dubet en milieu scolaire : un individu se déterminerait en fonction de trois concepts; d'abord «l'intégration» associée à un système d'appartenance, à une communauté, ensuite «la stratégie» renvoyant à la société qui propose une offre sur un marché, et enfin «la subjectivation ou autonomie» qui permet à l'individu de se construire en tant que sujet.
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Biographie de l'auteur :
Titulaire du DESS de documentation et nouvelles technologies
de l'Université Paris-8, Sophie Ranjard est cofondatrice de la
société Kynos et y occupe la fonction de directrice d'études.
Elle réalise depuis 25 ans des enquêtes sur les usages des
ressources documentaires et les typologies de publics dans les
musées, les bibliothèques et les services d'archives. Elle
travaille également sur le développement de l'offre de services
d'information et anime des formations sur la gestion de la
relation usager, le partage de savoir-faire et les compétences
transverses en milieu professionnel.
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