Extrait :
Dans le bar d'un grand hôtel, très tard dans la nuit. Au fond, des portes vitrées s'ouvrent sur une terrasse bordée d'une balustrade. A droite, le comptoir s'arrondit dans l'angle. A gauche, se dresse un piano droit.
Le mobilier est de bon goût, les couleurs pastel, et les fauteuils profonds.
Le barman en veste blanche essuie des verres machinalement derrière son comptoir.
Un homme distingué, accoudé à la balustrade, observe le parc noyé d'ombre. Il porte un smoking. Un verre plein est posé à côté de lui.
Une femme ravissante, en robe du soir, entre et se dirige vers le barman d'un pas lent. Elle semble désoeuvrée, mais sans tristesse. Elle grimpe avec grâce sur l'un des hauts tabourets qui entourent le comptoir, et appuie avec élégance son menton sur sa main repliée.
LE BARMAN, réprimant un bâillement. - Madame ?
La femme ne répond pas.
Elle jette un coup d'oeil un peu las dans le bar désert.
Son regard s'arrête sur l'homme, de dos, et sur le verre posé à côté de lui sur la balustrade.
ALEXANDRINE, chuchotant. - Que boit ce monsieur ?
LE BARMAN. - Un fifty-fifty. (Alexandrine hausse les sourcils en signe d'interrogation. Il lui répond fièrement.) C'est un cocktail de ma composition !
ALEXANDRINE, prête à tous les risques. - Un fifty-fifty, alors !
Tandis que le barman mélange savamment plusieurs alcools, pile la glace et secoue son shaker, l'air imperturbable, Alexandrine prend des pailles, les plie et les noue au milieu. Puis elle saisit une poignée de cacahuètes, les lance dans le cendrier, vise mal...
Le barman, respectueux de sa clientèle, esquive les projectiles tout en continuant à préparer le cocktail qui prend des teintes multicolores.
Soudain Alexandrine se lève, et se dirige vers la terrasse. Elle s'adosse contre la balustrade à côté de l'homme. Il ne se retourne pas.
Alexandrine ne semble pas du tout s'intéresser à lui. Les yeux dans le vague, elle tire sur un pli de sa robe, se gratte le mollet droit avec la pointe de son pied gauche, remonte l'un de ses seins qui fuit au fond de son décolleté...
Le barman dépose le verre plein sur la balustrade à côté d'Alexandrine et retourne derrière son comptoir.
Un temps.
ALEXANDRINE, sans bouger. - Si on fuyait ? (L'homme semble ne pas avoir entendu. Puis, sans le regarder.) Eh ! monsieur !
L'homme enfin se retourne, et découvre avec surprise la très jolie femme qui le regarde.
GUILLAUME. - Pardon ?
ALEXANDRINE. - Si on fuyait ?
Présentation de l'éditeur :
Si on fuyait ? Dans cette comédie douce-amère, une femme fantasque essaye d'entraîner un inconnu plutôt réfléchi dans une escapade libertine. Ils vivent en une nuit une existence entière, mais le passé va compromettre le présent. Il y a de l'acidité et de la tendresse dans les sentiments de ce couple fait pour s'entendre, mais que tout sépare. Qui des deux va l'emporter dans cette bataille amoureuse ?
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