Extrait :
Intimement convaincue de l'inutilité de la gent masculine du bord de mer, Mademoiselle Zouki déboula dans une descente sans pareille en direction de la ville. Ces bons à rien ne comprenaient rien à la vie. Pour elle, ils ne représentaient qu'une marmaille de la petite classe, petits lèkètés insignifiants. Parmi ces lèkètés, Tibwa était du lot. Lui qui pourtant imaginait Mademoiselle Zouki dans toute la raisonnance de son amour. À la moindre tentative d'approche il ne collectait que du mépris, de la part de celle qui représentait, disait-il, les trois quarts de sa vie ! Mais le savait-elle ?
Elle dit à haute et intelligible voix :
- Mais quoi, je n'ai besoin ni de petit vaurien encore moins de va-nu-pieds pour danser, aucune sorte de vidé en ma compagnie, vous m'entendez !
Mademoiselle Zouki, véritable donzelle, aussi belle qu'une libellule dimwazel battant de l'aile pour narguer un vieux merle affamé. A la façon d'agir, de voir et de faire des gens d'ici, elle avait acquis l'intime conviction de l'inexistence, en ce lieu, d'un jeune homme assez solide, capable de s'occuper de son capital et de lui donner surtout pleine satisfaction.
Lorsque Mademoiselle Zouki marchait, chaque côté de son arrière-train offrait généreusement à chacun, selon la hauteur de son imagination, des bouffées de délices. Comme les pêcheurs qui procédaient au partage du poisson à l'issue de la senne, on percevait un régulier décompte :
- Mi ta 'w ! Mi ta-mwen !
- Voilà pour toi, voici pour moi !
Présentation de l'éditeur :
Des bouquets sonores pour accueillir la belle et ravissante Zouki. «Cette si belle donzelle, à son passage, vous peignait les yeux d'une couleur si spéciale». La musique proposée par les gens d'ici n'étant pas à son goût. Très vite elle délaisse «bò lakay» sa terre natale, terre d'accueil des sinistrés du volcan et terre de l'insolite cocotier à deux têtes, pour gagner l'en ville puis l'Autre bord.
Elle connaîtra la célébrité et se verra comme par enchantement issue d'une grande famille. Mais toute cette «famille» l'aime-t-elle vraiment ? Pourra-t-elle supporter les jalousies suscitées par sa notoriété ? Saura-t-elle résister au terrible fléau du dénigrement ?
Elle veut faire partager son succès aux siens. Elle revient rencontrer sa famille et nous ouvre son album photos ou faire connaissance de sa véritable génération. Zouki est contrainte de revenir au pays parce qu'elle est convaincue que «c'est ici qu'elle pourra trouver un homme dous kon siro». Peut-on préparer en dehors d'ici, un café qui n'est pas que du tjòlòlò ?
Jude Duranty a vu le jour en 1956. Chef de choeur de la chorale L'Orchidée de Schoelcher, il nous livre avec Zouki : d'ici danse, le premier son d'une mélodie créole scripturale.
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