Extrait :
Quand la première lettre arriva, Rose achevait le montage compliqué d'un gâteau aux fraises, le premier de la saison, tout en jetant de temps à autre un coup d'oeil anxieux à la pendule car elle devait aller prochainement à la gare chercher ses premiers pensionnaires et ne pouvait, ce jour-là, se permettre d'être en retard.
Des arômes alléchants emplissaient l'atmosphère, et le facteur ne manqua pas de lui en faire la remarque en déposant le courrier sur la grande table de ferme qu'illuminait un imposant bouquet de lupins sauvages aux couleurs éclatantes.
- Diable ! Cela sent bon chez vous, je m'inviterais bien à déjeuner, dit-il d'un ton goguenard en lui présentant le récépissé de dépôt d'un volumineux colis de livres.
Rose sourit, répondit d'un ton plaisant et signa le reçu de son écriture fine et élégante. Après le départ du préposé, elle s'empressa d'ouvrir le paquet pour en vérifier le contenu tout en songeant qu'elle devait se presser si elle voulait respecter son planning; aussi, contrairement à son habitude, se contenta-t-elle d'inspecter rapidement les différents ouvrages réceptionnés.
C'est après seulement qu'elle s'intéressa au reste du courrier et prit avec stupeur connaissance de la lettre. Une banale page dactylographiée qui prétendait en des termes assez crus que l'ouverture prochaine de ses chambres d'hôtes cachait en fait l'existence d'un «bordel», que cette activité scandaleuse devrait cesser au plus vite et, en conclusion, on lui enjoignait, à «elle et ses bâtards», de déguerpir pour aller «forniquer» ailleurs.
Bien étrange missive qu'elle regarda un bon moment sans comprendre.
Que signifiait cela ? Une lettre anonyme, ici, dans ce village perdu du Cantal où il n'y avait guère plus de trois cents habitants ?
Elle n'avait jamais reçu de lettre de ce genre, mais au fond c'était bien de cela qu'il s'agissait puisque aucune indication de l'expéditeur ne figurait au bas de la page ou sur l'enveloppe. Cette prose écoeurante la laissait pantoise.
Qui avait bien pu écrire une telle lettre et dans quel but ? Un autochtone qui par ce moyen idiot espérait lui faire renoncer à son activité de chambres d'hôtes ? C'était ridicule ! Après tout le mal qu'elle s'était donné pour voir aboutir ce projet. Un gamin facétieux alors, qui trompait l'ennui en se moquant d'elle ?
Mais les termes employés ne relevaient pas de l'enfance et encore moins de la farce, il suintait de toute cette prose une rancune et une haine tenaces.
Elle secoua la tête avec dérision, il valait sûrement mieux en rire, elle prit la lettre, la roula en boule, la mit à la poubelle, l'enveloppe suivit le même chemin, non sans avoir fait l'objet auparavant d'un examen attentif qui ne révéla d'ailleurs rien de plus, adresse également dactylographiée, timbre préaffranchi et cachet de Saint-Flour, la ville la plus proche. Évidemment, c'était une farce, une plaisanterie de mauvais goût, il serait préférable de s'en amuser, mais malgré tout son bon sens, Rose était plus ennuyée qu'elle ne l'aurait voulu.
Présentation de l'éditeur :
Rose, une Parisienne célibataire, s'est retirée dans un village du Cantal où elle gère des chambres d'hôtes. Mais sa tranquillité est perturbée par des lettres anonymes. Qui est le corbeau ? Mémé Treboul, toujours à l'affût derrière sa fenêtre, dit à qui veut l'entendre qu'elle a sa petite idée mais refuse d'en révéler davantage. A découvrir absolument !
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