ETHIOPIQUES ET AUTRE NOUVELLES (0) - Couverture souple

JANCAR, D

9782845901681: ETHIOPIQUES ET AUTRE NOUVELLES (0)

Couverture souple

ISBN 10 : 2845901682 ISBN 13 : 9782845901681

Editeur : ARFUYEN, 2012

Afficher les exemplaires de cette �dition ISBN

Pr�sentation de l'�diteur :

Jo�e Mlakar n'entendait rien de tout �a, il regardait l'oeil de la cam�ra dans lequel se refl�tait sa petite image, toute petite, qui sombrait dans la surface lisse et calme sous laquelle se trouvait le tourbillon invisible de millions d'yeux : il regardait le gouffre profond qui, il le sentait, l'attirait irr�sistiblement.

Drago Jančar

Traduit dans plus de vingt langues, Jančar est aussi r�put� pour ses romans et ses nouvelles que pour son th��tre. Il a aussi publi� des essais parmi lesquels L'�me de l'Europe (2006). Plusieurs de ses textes ont �t� traduits en fran�ais : L'�l�ve de Joyce, nouvelles (L'Esprit des P�ninsules, 2003) ; Nouvelles Slov�nes (Autres Temps, 1996) ; La Grande valse brillante, th��tre (l'Espace d'un instant, 2007) ; Aurore bor�ale, roman (L'Esprit des P�ninsules, 2005) ; Katarina, le paon et le j�suite, roman (Passage du Nord-Ouest, 2009) ; Des bruits dans la t�te, roman (Passage du Nord-Ouest, 2011).
�Sismologue d'une histoire chaotique�, il analyse avec la m�me lucidit� les stigmates de la p�riode communiste que les d�rives de la soci�t� capitaliste. Pour r�v�ler ce que cachent nos soci�t�s, choisit le plus souvent pour personnages des �tres marginalis�s et �cras�s par la soci�t� et pour lieux des espaces clos tels que prisons, casernes ou h�pitaux psychiatriques. Face � ces situations dramatiques, Jančar se garde pourtant de verser dans une attitude de compassion ou de protestation. Bien au contraire, la distance et l'ironie constituent la marque de son style : �Jančar �crit des histoires puissantes et complexes avec une assurance d�pourvue de toute ostentation. Il poss�de une sobri�t� qui, par comparaison, fait para�tre vains les artifices d'�crivains pr�tendument modernes� (Times Literary Supplement, avril 2007).
Le pr�sent ouvrage rassemble six nouvelles in�dites en fran�ais : �thiopiques, la r�p�tition - Proph�tie - Mesures pour d�velopper la puissance cr�atrice de l'homme - Les deux r�veurs - Son ange ne l'a pas abandonn� - L'homme qui regardait dans le gouffre.

L'auteur

Drago Jančar est n� en 1948 � Maribor, dans une Slov�nie alors englob�e dans la �R�publique f�d�rative socialiste de Yougoslavie�. Son p�re a �t� intern� pour faits de r�sistance contre l'occupant nazi. D�s ses �tudes, Jančar, r�dacteur d'un journal �tudiant, s'attire des difficult�s de la part du r�gime. En 1974, il est condamn� � un an de prison pour �propagande en faveur de l'ennemi�. Entre 1978 et 1980, il travaille � Ljubljana pour des studios de cin�ma et, l� encore, se heurte � la censure.
Ce n'est qu'apr�s la mort de Tito en 1980 qu'il peut donner libre cours � son oeuvre. En 1987 Drago Jančar est l'un des signataires du manifeste pour une Slov�nie d�mocratique et ind�pendante. De 1987 � 1991, il prend une part de plus en plus active � la d�mocratisation de son pays en tant que Pr�sident du PEN Club de Slov�nie.
Durant la guerre de Bosnie, il se rend � Sarajevo assi�g�e pour apporter des aides. Dans son �Rapport succinct sur une ville longtemps assi�g�e�, il s'interroge sur le r�le des intellectuels dans les conflits ethniques ou nationaux. Il pol�mique sur ce sujet avec l'�crivain autrichien Peter Handke.
Il a obtenu en 1993 le plus prestigieux des prix litt�raires slov�nes, le prix Preseren, pour l'ensemble de son oeuvre. Il a �galement re�u en 1994 le Prix europ�en de la nouvelle, en 1997 le Prix autrichien Jean Am�ry et en 2003 le Prix Herder. Son th��tre a �t� repr�sent� dans de nombreux pays et est r�guli�rement jou� en Slov�nie.

Extrait :

Un jour de mai 1945, quelque part dans les montagnes de Slov�nie, une unit� militaire manqua la cote qu'un commandant avait marqu�e sur sa carte, la veille au soir, � la lueur d'une lampe de poche, et se retrouva au-dessus d'un village inconnu apr�s une longue nuit de marche. Sur le versant bois�, l'�clat de la lumi�re du matin per�ait � travers les branches et entre les troncs, �blouissant les hommes de la nuit. Sans avoir re�u de consigne, ils s'arr�t�rent, leur instinct aiguis� par une longue pratique de la guerre les fit se cacher derri�re les arbres et dans les fourr�s. Un soleil printanier baignait le chaud paysage couch� � leurs pieds, leurs regards anxieux err�rent d'abord sur les hauteurs puis s'arr�t�rent sur la neige �tincelante des lointaines montagnes qu'ils devaient franchir. Leurs yeux fatigu�s se d�rob�rent � l'�clat douloureux de la neige, s'�gar�rent dans la vall�e en suivant la pente douce jusqu'� l'or�e du bois. L�, derri�re une butte herbeuse, un clocher blanc s'�lan�ait vers le ciel. En avan�ant, ils aper�urent soudain un village aux maisons frileusement serr�es contre la colline et paresseusement rassembl�es autour de la petite �glise. Et l�, ils d�couvrirent une sc�ne �tonnante, myst�rieuse.

Une flamme br�lait sur la toiture en bardeau de l'une des maisons. Presque sans fum�e, comme si le feu n'avait surpris le bois l�ger du toit qu'un instant plus t�t. Un craquement sec se fit entendre, l'air chaud ondulait au-dessus du feu dans la clart� pure du matin. On avait l'impression que ce feu allait sauter sur le toit voisin d'un instant � l'autre, mais hormis son cr�pitement sec, aucun autre bruit n'arrivait du village, aucun appel, pas un cri, pas un meuglement ni un aboiement, absolument aucun son, humain ou animal. Pr�s d'une maison au bout du village, sur la route qui conduisait � la vall�e se trouvait un chariot charg�. Les deux chevaux qui devaient le tirer gisaient sur le sol. Comme si quelqu'un avait voulu les atteler pour emmener le chargement dans la vall�e et qu'il s'�tait ravis� au dernier moment et les avait abattus juste devant le chariot. On avait jet� sur le chariot quelques porcs �gorg�s, blancs comme des cygnes et couverts d'un amas brun fonc� de volailles encore fr�missantes, des porcelets �taient �tendus entre de grands cochons dont la viande fra�che d�bordait par-dessus les ridelles. La vache avait d� �tre tu�e en dernier. Sa panse gigantesque gisait � c�t� du chariot, en quelque sorte ind�pendante, un peu s�par�e d'elle, recouvrant sa t�te, comme si, dans un dernier effort avant de mourir, elle s'�tait gliss�e entre les roues ; elle ressemblait � un ballon jaun�tre gonfl� et ses pattes continuaient de battre l'air, � bout de force. Oubliant leur prudence habituelle, les hommes se lev�rent pour contempler, �tonn�s, la sc�ne muette devant eux o� il n'y avait pas le moindre signe de vie. Ils regard�rent d'un air interrogateur le visage hirsute de leur commandant qui se demandait s'ils devaient battre en retraite dans le bois ou s'engager dans le village. Il fit quelques pas dans la descente, ensuite il se jeta sur le sol, pressa son visage sur l'herbe humide et une fraction de seconde plus tard, les militaires s'allong�rent aussi derri�re lui, mais sans voir ce que voyait le commandant. L'espace d'un instant, un outil fit entendre un bruit m�tallique, ensuite le silence r�gna de nouveau.

Le commandant eut l'impression de voir des silhouettes allong�es le long des maisons.

Les informations fournies dans la section � A propos du livre � peuvent faire r�f�rence � une autre �dition de ce titre.