Extrait :
TRAVERSER LA MER À L'INSU DU CIEL
Le jugement
Les mouvements secrets et précautionneux engendrent la suspicion
Les actions en apparence banales et familières passent inaperçues
On ne suspecte pas le dissimulé lorsqu'il se tient au coeur du manifeste
Le plus évident cache toujours le plus secret
Commentaires
° «Le véritable stratège est subtil ; personne ne le voit venir !»
Cette subtilité dont parle ici Sun Zi touche à l'art du déguisement et du faux-semblant. Celui qui le maîtrise se rend invisible à l'ennemi parce qu'il a soin d'agir sans plan stéréotypé. Libre des formes établies, il sait jouer avec elles. C'est là tout le sens de l'expression : «Traverser la mer à l'insu du ciel.»
Toute action, en effet, implique une prise de risque parce qu'elle nous met à découvert et qu'on ignore toujours plus ou moins les conséquences qu'elle engendrera. L'image du voyage en mer illustre bien ce double danger : de nombreux imprévus et nulle part où se cacher. Toutefois, s'il est difficile, et pour ne pas dire impossible, de se prémunir contre toutes les tempêtes, le stratège peut employer sa science pour passer inaperçu. Il faut toujours en effet protéger ce que l'on entreprend. Toute entreprise, surtout au début (mais pas seulement), demande, pour se déployer comme on veut qu'elle se déploie, un certain secret. Trop vite rendue publique, elle court le risque de se voir contrecarrée ou manipulée par un autre. Comme le dit le maître du sabre Miyamoto Musashi : «Les lacs aux eaux trop claires comptent très peu de poissons.» Il faut ainsi une part d'ombre pour que la vie se développe, que les actions réussissent et que les entreprises prospèrent.
Toutefois, il faut savoir être subtil dans l'art du déguisement. A se montrer trop cachottier, à entourer trop grossièrement ses actions d'une aura de mystère, on finit toujours par attirer l'attention et le soupçon. La naïveté n'a pas sa place en matière stratégique et il faut donc être bien conscient que l'ennemi vous épie. Mieux vaut donc, plutôt que de vouloir agir sans être vu, faire en sorte d'être vu sans que cela suscite la moindre méfiance. Il s'agit ici de voir comment le fait de se montrer au grand jour peut être une des façons les plus habiles de se cacher. En quoi cela consiste-t-il ? A faire ouvertement comme si de rien n'était ! Ou, comme le dit le commentaire de ce premier stratagème, à voiler ses actes sous le drap de la banalité.
Présentation de l'éditeur :
« Traverser la mer sans que le ciel le sache. »
(Dissimule tes secrets afin qu'on ne les perce pas)
« Assassiner avec une épée d'emprunt. »
(Utilise les ressources d'un autre pour faire ton travail)
« Bruit à l'est ; attaque à l'ouest. »
(Induit en erreur ton adversaire)
« Dissimuler une épée dans un sourire. »
(Masque l'hostilité sous l'apparence de l'amitié)
Ce manuel ésotérique de l'art de la guerre fut trouvé par hasard sur un marché du nord de la Chine en 1939. Après expertise, on le data de la période Ming (XVIIe siècle). Le caractère ésotérique de ce traité provient de son utilisation des maximes du Livres des mutations ( Yi Jing) qu'il applique à la stratégie militaire. Cet ouvrage est ainsi constitué de 36 aphorismes inspirés du Yi Jing, associés à un commentaire de l'auteur anonyme. Face au style volontairement sibyllin de ce dernier, Alexis Lavis nous propose une nouvelle traduction et y ajoute son propre commentaire afin d'éclairer au mieux les points obscurs de l'oeuvre.
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