Extrait :
Extrait de l'introduction
Tenter de composer un recueil «représentatif» de vingt années d'écriture, et de plusieurs millions de mots, était un énorme défi. Alors j'ai fait autre chose. Bring the Noise ne rassemble pas mes articles préférés et ne couvre pas mes artistes préférés ; beaucoup de mes repères sont passés au travers des mailles du filet, notamment Aphex Twin, Royal Trux, Saint Etienne, World of Twist, Position Normal ou A.R. Kane. À la place, j'ai tissé une sorte d'histoire de la musique populaire des vingt dernières années. Bring the Noise reprend là où s'arrête Rip It Up and Start Again, dans les derniers mois de 1985, à peu près au moment où j'ai commencé à vivre de ma plume. J'ai passé au crible deux décennies d'interviews, de chroniques, de reportages et d'essais pour tracer le territoire des interactions entre la musique blanche et la musique noire - et tout spécialement la relation tour à tour funeste et fertile entre rock «hip» et hip-hop. Ce livre présente les revendications concurrentes de la street music noire et de l'underground blanc à être les fers de lance de l'innovation tout autant que des voix de résistance. Et il identifie l'alternance entre les moments où le rock et le rap se sont rencontrés et métissés, et ceux où ils semblent avoir emprunté des chemins différents.
La plupart des gens qui sont arrivés en âge d'écouter de la musique pendant la période couverte par Bring the Noise ont été tout aussi attirés par le rock alternatif que par le hip-hop. C'est ce que je ressentais en 1986, quand j'étais un jeune journaliste qui se lançait dans sa carrière : je ne pouvais pas et je ne voulais pas choisir entre les Smiths et Public Enemy, Hüsker Dü et LL Cool J. Bien sûr, rien ne force à choisir, et il est frappant de voir combien de personnes ont grandi de manière tout à fait naturelle avec une double allégeance (voire triple, avec l'arrivée des raves et la culture électronique dans les années 90). Mais la proportion de ceux qui ont choisi un camp (et le font toujours) est tout aussi remarquable. Certains fans blancs ont investi toute leur foi et leur passion dans le hip-hop, qu'ils voyaient comme l'avant-garde et l'unique bastion d'énergie culturelle dissidente - et en conséquence ils se sont retrouvés aux prises avec des questions complexes liées à leur condition d'acolytes blancs d'une musique largement faite par et pour des gamins noirs. D'autres, par goût ou désir inconscient d'éviter les contradictions inhérentes au statut de wigga («white nigger»), sont restés fidèles au rock indé, considérant que les guitares distordues et les paroles torturées et ironiques étaient la véritable expression de l'impulsion bohémienne moderne.
Malgré son titre, Bring the Noise est incorrigiblement rock, attiré par les notions de subversion et d'«underground», de dissidence et de rupture. Mais, de manière criante, ces mêmes valeurs traversent le rap jusque dans son noyau le plus dur. Sans les idéaux d'authenticité, de realness, d'intégrité, de street credibility, le genre existerait à peine ; de même, l'ensemble du projet hip-hop est sous-tendu par des métaphores de la musique comme guerre/croisade/cause/mouvement. Pourtant, en un sens Bring the Noise est aussi un livre sur la musique pop - c'est vrai, les artistes couverts ne sonnent pas souvent «pop», mais leur musique est populaire et aussi, le plus souvent, populiste. Il se concentre sur des groupes qui ont compté pour moi comme pour des multitudes de gens partout dans le «monde réel», des groupes qui surtout voulaient avoir ce type d'impact sur les masses, mus par leur ambition et guidés par leur volonté de puissance. Je n'ai rien contre les sons ésotériques et hermétiques (notre maison est pleine à craquer de ce genre de trucs), mais la musique qui m'excite le plus, en tant qu'auteur comme en tant qu'auditeur, est celle qui résonne plus loin que le son pur.
Présentation de l'éditeur :
Passionnant, subtil et vivifiant, audacieux et érudit, l'auteur de Rip It Up and Start Again (Allia) poursuit, d'interviews en récits, son travail d'analyse critique de l'histoire du rock et du rap. Au rythme des allers-retours entre New York, Los Angeles, Londres et Manchester, il revient, dans cette édition augmentée, sur trente années de musique pop.
Un panorama complet où l'on croise les artistes les plus novateurs du rock alternatif et du hip-hop, The Smiths, Morrissey, Public Enemy, PJ Harvey, Radiohead, Mantronix, Nirvana, The Clash, Dizzee Rascal, Kanye West ou les Beastie Boys...
Du grunge au grime, du Madchester au Dirty South, alternant vision d'ensemble et anecdotes, l'auteur analyse les influences réciproques des musiques noire et blanche, mainstream et underground, les évolutions, oppositions, influences et croisements de genres.
Journaliste londonien né en 1963, Simon Reynolds est LA référence en histoire du rock et du son rebelle.
Signature des plus grandes revues mondiales, New Yorker, Voice ou Rolling Stone, auteur d'ouvrages traduits en plusieurs langues, il décrypte genres et époques et éclaire comme personne notre histoire culturelle.
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.