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Extrait :
Introduction :
L'Ingénu était têtu ; car il était breton et huron.
Voltaire, L'Ingénu, 1767
C'est en faisant débarquer son Ingénu en Basse-Bretagne que Voltaire garantit ses effets comiques. C'est en n'y voyant que des «sauvages», des gens «plus pauvres en combinaisons intellectuelles que ne le sont les Mohicans et les Peaux-Rouges», des «pourceaux» que Mérimée, Balzac et Hugo apportent leur contribution à la connaissance du «plouc». Au même titre que les Hottentots, les castors et les Iroquois, les Bretons auront beaucoup donné à la réflexion philosophique et littéraire. Il ne restait qu'à broder les détails de leur carte d'identité en forme de coiffe bigoudène : arriérés et crédules, ils sont marins ou paysans, parfois agrégés. Ils vivent de légendes morbides et d'alcool en dansant au milieu des revenants ; écrasés sous la férule de leurs femmes et de leurs mères à la maison, les hommes s'entêtent à rêver d'autonomie dans les bars. Il ne restait qu'à chanter les particularismes de leur terre de granit inusable, d'îles paradisiaques et de landes infinies balayées par des pluies incessantes.
Devant l'exceptionnel corpus des idées reçues concernant la Bretagne, force est de constater qu'il a inspiré les plus grands et que les meilleurs écrivains ou hommes politiques ont voulu laisser leur mot sur la Bretagne. C'est rarement la partie de leur oeuvre dont ils peuvent être les plus fiers, et ils nous renseignent bien plus sur leurs préjugés que sur ce pays qu'ils n'ont vu que de leur diligence et sur ces hommes et ces femmes qu'ils ont croisés si vite et de si loin, sans doute en se bouchant le nez, puisqu'on leur avait dit que... Faute d'une compréhension même faible de la langue et de l'idée qu'il y avait quelque chose à apprendre, il leur était difficile de ramener plus que la confirmation de ce qu'ils avaient lu avant de partir. Mais comme le sparadrap sur le capitaine Haddock, leurs affirmations péremptoires sont restées accrochées aux basques du Breton. Celui-ci a même fini par s'y habituer et par se dire que cela valait peut-être mieux que l'anonymat. Il est même allé jusqu'à en revendiquer un certain nombre et à leur trouver de «bonnes raisons». Il n'est donc pas toujours simple de démêler la construction primaire de la reconstruction secondaire !
Mais nul ne niera qu'un paysage original, une langue propre et quinze siècles d'histoire, dont pratiquement les deux tiers hors du contrôle français, ont forgé une civilisation particulière. C'est d'ailleurs, comme un chant du cygne, juste avant de sombrer sous les coups de boutoir de la civilisation industrielle que la culture bretonne a révélé la part la plus spectaculaire d'elle-même dans les costumes, qui se sont diversifiés à l'infini en quelques dizaines d'années. Le mobilier, les chants, les danses, ainsi que le paysage «fait main», semblent aussi connaître un âge d'or au XIXe siècle, comme si, enfin libérée des plus lourdes menaces pesant sur son quotidien, cette société avait enfin pu dévoiler et magnifier ses trésors secrets et toutes ses forces créatives.
Mais le malentendu était trop fort avec le reste du monde et la splendeur a fini en bretonneries. Il a fallu le lent, maladroit, épuisant effort de plusieurs générations de chercheurs ou passionnés pour qu'enfin, la Bretagne ne soit plus synonyme d'arriération. Le grand élan national de patrimonialisation y a contribué. Sans doute était-il trop tard pour faire revivre la culture d'une civilisation rurale qui s'éteignait inexorablement, mais il était encore temps de s'en inspirer pour de nouvelles créations. Musiciens et conteurs ont su s'emparer des répertoires oubliés, pour inventer de nouvelles musiques et de nouvelles histoires.
Les Bretons aiment se raconter des histoires. Ils ont parfois pris pour argent comptant celles qui se disaient sur eux et aujourd'hui, il leur arrive d'entretenir avec complaisance celles qui les arrangent. Faisant de l'équilibre sur ce que de nombreux observateurs pointent comme des paradoxes, ils vont pourtant devoir faire des choix à l'abri des idées reçues. Puissent ces pages y contribuer un peu.
Présentation de l'éditeur :
L'Ingénu était têtu ; car il était breton et huron.
Voltaire, L'Ingénu, 1767
C'est en faisant débarquer son Ingénu en Basse-Bretagne que Voltaire garantit ses effets comiques. C'est en n'y voyant que des «sauvages», des gens «plus pauvres en combinaisons intellectuelles que ne le sont les Mohicans et les Peaux-Rouges», des «pourceaux» que Mérimée, Balzac et Hugo apportent leur contribution à la connaissance du «plouc». Au même titre que les Hottentots, les castors et les Iroquois, les Bretons auront beaucoup donné à la réflexion philosophique et littéraire. Il ne restait qu'à broder les détails de leur carte d'identité en forme de coiffe bigoudène : arriérés et crédules, ils sont marins ou paysans, parfois agrégés. Ils vivent de légendes morbides et d'alcool en dansant au milieu des revenants ; écrasés sous la férule de leurs femmes et de leurs mères à la maison, les hommes s'entêtent à rêver d'autonomie dans les bars. Il ne restait qu'à chanter les particularismes de leur terre de granit inusable, d'îles paradisiaques et de landes infinies balayées par des pluies incessantes.
Devant l'exceptionnel corpus des idées reçues concernant la Bretagne, force est de constater qu'il a inspiré les plus grands et que les meilleurs écrivains ou hommes politiques ont voulu laisser leur mot sur la Bretagne. C'est rarement la partie de leur oeuvre dont ils peuvent être les plus fiers, et ils nous renseignent bien plus sur leurs préjugés que sur ce pays qu'ils n'ont vu que de leur diligence et sur ces hommes et ces femmes qu'ils ont croisés si vite et de si loin, sans doute en se bouchant le nez, puisqu'on leur avait dit que... Faute d'une compréhension même faible de la langue et de l'idée qu'il y avait quelque chose à apprendre, il leur était difficile de ramener plus que la confirmation de ce qu'ils avaient lu avant de partir. Mais comme le sparadrap sur le capitaine Haddock, leurs affirmations péremptoires sont restées accrochées aux basques du Breton. Celui-ci a même fini par s'y habituer et par se dire que cela valait peut-être mieux que l'anonymat. Il est même allé jusqu'à en revendiquer un certain nombre et à leur trouver de «bonnes raisons». Il n'est donc pas toujours simple de démêler la construction primaire de la reconstruction secondaire !
Mais nul ne niera qu'un paysage original, une langue propre et quinze siècles d'histoire, dont pratiquement les deux tiers hors du contrôle français, ont forgé une civilisation particulière. C'est d'ailleurs, comme un chant du cygne, juste avant de sombrer sous les coups de boutoir de la civilisation industrielle que la culture bretonne a révélé la part la plus spectaculaire d'elle-même dans les costumes, qui se sont diversifiés à l'infini en quelques dizaines d'années. Le mobilier, les chants, les danses, ainsi que le paysage «fait main», semblent aussi connaître un âge d'or au XIXe siècle, comme si, enfin libérée des plus lourdes menaces pesant sur son quotidien, cette société avait enfin pu dévoiler et magnifier ses trésors secrets et toutes ses forces créatives.
Mais le malentendu était trop fort avec le reste du monde et la splendeur a fini en bretonneries. Il a fallu le lent, maladroit, épuisant effort de plusieurs générations de chercheurs ou passionnés pour qu'enfin, la Bretagne ne soit plus synonyme d'arriération. Le grand élan national de patrimonialisation y a contribué. Sans doute était-il trop tard pour faire revivre la culture d'une civilisation rurale qui s'éteignait inexorablement, mais il était encore temps de s'en inspirer pour de nouvelles créations. Musiciens et conteurs ont su s'emparer des répertoires oubliés, pour inventer de nouvelles musiques et de nouvelles histoires.
Les Bretons aiment se raconter des histoires. Ils ont parfois pris pour argent comptant celles qui se disaient sur eux et aujourd'hui, il leur arrive d'entretenir avec complaisance celles qui les arrangent. Faisant de l'équilibre sur ce que de nombreux observateurs pointent comme des paradoxes, ils vont pourtant devoir faire des choix à l'abri des idées reçues. Puissent ces pages y contribuer un peu.
La Bretagne
Histoire & Civilisations
«En Bretagne, il pleut tout le temps» - «La Bretagne, c'est la terre des prêtres» - «tes Bretons sont têtus» - «La Bretagne est une terre de légendes» «En Bretagne, on boit plus qu'ailleurs» - «La Bretagne veut son autonomie» - «La Bretagne est une région à forte identité»...
Issues de la tradition ou de l'air du temps, mêlant souvent vrai et faux, les idées reçues sont dans toutes les têtes. L'auteur les prend pour point de départ et apporte ici un éclairage distancié et approfondi sur ce que l'on sait ou croit savoir.
François de Beaulieu vit et travaille en Bretagne où il participe au mouvement de protection de la nature. Il a enseigné la littérature et la sociologie et a publié de nombreux articles et ouvrages.
Terre de granit balayée par des pluies incessantes, îles paradisiaques et landes sauvages, peuple de marins et de paysans, vivant de légendes et rêvant d'autonomie, la Bretagne... et les Bretons, n'en finissent pas de nous interpeller. De Voltaire à Goscinny, nombreux sont ceux qui ont alimenté cet exceptionnel corpus d'idées reçues sur lequel François de Beaulieu se penche aujourd'hui.
Histoire & Civilisations
«En Bretagne, il pleut tout le temps» - «La Bretagne, c'est la terre des prêtres» - «tes Bretons sont têtus» - «La Bretagne est une terre de légendes» «En Bretagne, on boit plus qu'ailleurs» - «La Bretagne veut son autonomie» - «La Bretagne est une région à forte identité»...
Issues de la tradition ou de l'air du temps, mêlant souvent vrai et faux, les idées reçues sont dans toutes les têtes. L'auteur les prend pour point de départ et apporte ici un éclairage distancié et approfondi sur ce que l'on sait ou croit savoir.
François de Beaulieu vit et travaille en Bretagne où il participe au mouvement de protection de la nature. Il a enseigné la littérature et la sociologie et a publié de nombreux articles et ouvrages.
Terre de granit balayée par des pluies incessantes, îles paradisiaques et landes sauvages, peuple de marins et de paysans, vivant de légendes et rêvant d'autonomie, la Bretagne... et les Bretons, n'en finissent pas de nous interpeller. De Voltaire à Goscinny, nombreux sont ceux qui ont alimenté cet exceptionnel corpus d'idées reçues sur lequel François de Beaulieu se penche aujourd'hui.
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- ÉditeurCAVALIER BLEU
- Date d'édition2007
- ISBN 10 2846701679
- ISBN 13 9782846701679
- ReliureBroché
- Nombre de pages127
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BRETAGNE (LA)
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CAVALIER BLEU
(2007)
ISBN 10 : 2846701679
ISBN 13 : 9782846701679
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