Extrait :
HOMME PETIT. - Je peux m'asseoir avec vous ?
HOMME GRAND. - J'allais demander l'addition.
HOMME PETIT. - Vous ne me reconnaissez pas ? Vous ne m'avez pas reconnu.
HOMME GRAND. -...
HOMME PETIT. - On se voit tous les jours.
HOMME GRAND. -...
HOMME PETIT. -Tous les matins, dans l'escalier. Je sors quand vous rentrez.
HOMME GRAND. - Ah oui. Oui.
HOMME PETIT. - «Bonjououour.» Vous reconnaissez ma voix ?
HOMME GRAND. - Oui, là oui.
HOMME PETIT. - Et encore, à l'heure qu'il est, un dimanche en plus, elle ne sonne pas pareil qu'un jour de travail, à six heures du matin.
HOMME GRAND. - Je ne vous avais pas reconnu, pardonnez-moi.
HOMME PETIT. - C'est tout pardonné, c'est très compréhensible. Avec votre permission, je vais m'asseoir. Parfaitement compréhensible. Vous rentrez telle une ombre et une ombre jumelle vous croise dans l'escalier. «Bonjououour» entendez-vous et vous répondez : «Bonjououour», le croisement de deux ombres dans un escalier, c'est tout.
HOMME GRAND. - C'est exact.
HOMME PETIT. - Ça doit être dur. De travailler la nuit, je veux dire. Comme vivre la tête en bas, non ?
HOMME GRAND. - Vous allez m'excuser, je suis un peu pressé.
HOMME PETIT. - Je viens de demander une bouteille et deux verres. Ça me ferait plaisir de trinquer avec vous.
HOMME GRAND. - Désolé, je ne bois pas.
HOMME PETIT. -Je dois fêter quelque chose. Je m'étais dit que vous me tiendriez compagnie.
HOMME GRAND. - On m'attend.
HOMME PETIT. - Un petit verre, allez !
HOMME GRAND. - Je ne bois pas, je vous ai dit.
HOMME PETIT. - Rien qu'un petit moment ? Dix minutes, pas plus. Pour fêter ça, je n'ai pas envie d'être seul.
HOMME GRAND. - Dix minutes, d'accord. Pour trinquer, ça ne se refuse pas.
Présentation de l'éditeur :
N'ayez crainte, vous n'avez pas commis la moindre erreur et je ne me serais douté de rien ; ce fut comme un pressentiment. J'ai mené ma petite enquête, ce qui est à la portée de n'importe qui, suffit d'avoir un peu de temps à soi et je n'en manque pas. Et mon pressentiment s'est confirmé : vous n'avez pas de papiers. Vous êtes un «sans-papiers».
Né en 1965, Juan Mayorga est docteur en philosophie et enseigne à l'Ecole Royale Supérieure d'Art Dramatique de Madrid. Il est l'auteur d'une trentaine de pièces. Les Insomniaques suivi de Copito est son troisième livre à paraître aux Editions Les Solitaires Intempestifs, après Himmelweg (2006) et Hamelin (2007).
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