Extrait :
Extrait de l'introduction :
PESTE ET CONTROVERSE
Durant quatorze siècles, la peste ravagea l'Orient et l'Occident. Sa violence dévastatrice lui vaut de figurer parmi les agents majeurs de l'histoire des hommes et ni le démographe, ni l'économiste, ni l'historien des mentalités, de la religion, de la médecine ou des guerres ne peuvent la contourner. Face à l'effroyable fléau, les hommes demeurèrent impuissants jusqu'à ce que, à la fin du XIXe siècle, Alexandre Yersin et Paul-Louis Simond élucident les modalités de la transmission de la maladie : le premier en isola le bacille et désigna les rats comme les propagateurs de l'épidémie ; le second identifia l'agent vecteur des rongeurs aux hommes : les puces du rat. Ces découvertes fondamentales entraînèrent à leur suite un puissant essor de la recherche et une somme considérable de travaux, particulièrement nombreux au cours des années 1900-1930, et se poursuivant jusque vers 1970. Si bien qu'avec le XXe siècle, la peste semblait avoir enfin livré tous ses secrets.
Ce n'est cependant pas le cas. Bien que la controverse soit à présent tombée dans l'oubli, les hypothèses antagoniques qui furent proposées au cours du siècle passé laissent peser une vaste incertitude sur le mode d'épidémisation de la peste bubonique : l'énigme de l'insecte vecteur, diversement résolue selon les périodes, reste aujourd'hui entière.
Pourtant, dès les premières années du XXe siècle, la cause était entendue pour toutes les régions chaudes du globe et le vecteur de la peste était identifié : Xenopsylla cheopis, la puce du rat, apte à piquer l'homme presque aussi bien que son hôte ordinaire. On constatait alors l'absence de cette espèce pestigène dans les zones tempérées et un débat s'ouvrait sur le mode de transmission en Europe. Observations et expérimentations permettaient enfin, en 1928, de nommer avec certitude l'insecte propagateur des pestes d'Occident : Nosopsyllus fasciatus, la puce du rat d'Europe, également apte à piquer l'homme en l'absence de son hôte.
Présentation de l'éditeur :
Apparue dès l'Antiquité, la peste a ravagé l'Orient et l'Occident jusqu'au XVIIIe siècle. Aucun fléau n'a à ce point terrifié les hommes, convaincus de voir se déchaîner sur eux la colère divine. Son seul retour, au milieu du XIVe siècle, faucha entre un quart et un tiers de la population occidentale. Serait-elle désormais un mal connu, révolu, endigué ? Loin de là. La dernière pandémie a sévi de 1894 à 1945, dévastant l'Inde, ravageant des terres nouvelles et jusqu'aux ports d'Europe. Elle nous est familière depuis le roman de Fred Vargas, Pars vite et revient tard, et sa référence à la «peste des chiffonniers», qui tua trente-quatre personnes à Paris et dans sa banlieue en 1920. Aujourd'hui encore, la menace est présente et la lutte continue. Or, la controverse au sujet des vecteurs de l'épidémisation n'a cessé de diviser les spécialistes. Quelle est la responsabilité respective du rat, de la puce et de l'homme ? Faisant appel à la médecine comme à l'histoire, à l'entomologie comme à l'archéologie, Frédérique Audoin-Rouzeau mène sur le sujet une enquête scientifique aussi rigoureuse qu'exaltante.
Frédérique Audoin-Rouzeau, plus connue sous le nom de plume de Fred Vargas, est archéozoologue, chercheur au CNRS. Ses recherches portent sur les rapports de l'homme et de l'animal depuis l'Antiquité jusqu'aux Temps modernes.
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