Images et sons de mai 68: (1968-2008) - Couverture souple

Collectif

Couverture souple

ISBN 10 : 2847366199 ISBN 13 : 9782847366198

Editeur : Nouveau Monde Editions, 2011

A propos du livre

Extrait :

Béatrice Donzelle

FRANCE INTER EN MAI 68,
TROIS REGARDS SUR LES ÉVÉNEMENTS

Quelle image le journal parlé de France Inter donne-t-il des événements de 1968, au moment même où ils se déroulent ? Il ne s'agit pas ici d'évaluer la véracité des informations diffusées, la cohérence entre la vision transmise par France Inter et la réalité, ou encore le degré d'autonomie ou d'implication éventuelles de la rédaction ; la crise vécue en interne et ses conséquences ne sont pas non plus au coeur de l'étude. Il s'agit d'abord de comprendre le traitement d'une information dense et délicate dans une station de radio contrôlée par l'État. Rappelons cependant que, du 22 mai au 3 juin, les journalistes, fortement syndiqués, se mettent en grève et «assurent la direction collective de l'information parlée». Fin mai, ils élisent un Comité des cinq, composé des journalistes Jean Raynal, Édouard Guibert, Roger Michaud, Jacques Garrat, et Henri Pajaud. Puis ils cessent totalement le travail le 3 juin. Suivent trois semaines sans informations sur les antennes de France Inter. À partir de la dernière semaine de juin, une petite équipe de journalistes, réunie autour de la rédactrice en chef, Jacqueline Baudrier, recommence à produire des journaux parlés.
Depuis l'automne 1967, l'idée de changements en cours, nécessaires ou à venir est relativement récurrente dans le journal parlé de France Inter, du fait des réformes gouvernementales. Mais elle n'est nullement prolongée par une thématique de la révolution, ni même de la révolte. Bien que cette situation reste la même jusqu'en mai, le 22 mars a été choisi comme borne chronologique de départ à l'analyse, pour des raisons de faisabilité de l'étude et de cohérence du corpus. Le 3 juin s'est imposé comme date finale, car les journalistes de France Inter cessent alors d'assurer l'information, et les journaux parlés ne sont plus diffusés, jusqu'à la fin du mois. Ensuite, les journalistes grévistes ne sont pas réintégrés, et c'est une équipe tout autre qui prend en mains le journal de France Inter.
L'analyse empirique porte sur un corpus de 40 journaux parlés, auxquels s'ajoutent 18 émissions d'Inter Panorama, les éditions d'Inter Opinion des 4 et 25 mai, et 86 notices de l'INA décrivant des éléments du journal de France Inter entre mars et juin 1968. L'étude de ce corpus permet de dégager trois images successives des événements du printemps 1968. Il s'agit, bien sûr, de grandes tendances, qui ne doivent pas faire oublier les nuances et soubresauts d'une évolution non linéaire. Du 22 mars au 12 mai, la rédaction travaille dans sa configuration habituelle. La couverture des agitations du monde étudiant est laissée aux pigistes qui ont choisi de se consacrer spécifiquement au secteur «jeunesse». C'est alors l'occultation des dimensions politiques du mouvement qui prédomine, avec une approche plutôt anecdotique et insolite des événements, peu pris au sérieux. Malgré tout, durant cette période, la posture journalistique se déplace, insensiblement, de l'indifférence à la solidarité. Et même si les événements ont tendance à être minimisés qualitativement dans les propos des journalistes de France Inter, ils finissent, quantitativement, par monopoliser l'antenne. À partir du 12 mai, s'ouvre une deuxième phase. La rédaction produit un journal caractérisé par une nette empathie pour les étudiants en révolte, délivrant l'image d'une action rationnelle et fondée sur le dialogue. Entre le 13 et le 22 mai, le mouvement s'étant désormais étendu au monde ouvrier et politique, une inversion s'opère dans la hiérarchisation des aspects de la crise. Si le 13, la dimension universitaire est encore prioritaire, le 22 mai, c'est la crise sociale qui préoccupe au premier chef, tandis que le mouvement politique n'est plus présenté comme subordonné aux actions étudiantes. Ces dernières sont alors reléguées en troisième position, si l'on s'en tient au temps d'antenne. Enfin, du 22 mai au 3 juin, le sentiment de crise est accentué, le journal donnant le sentiment que «plus rien ne sera comme avant».

Présentation de l'éditeur :

Depuis plus de quarante ans, Mai 68 occupe, dans les imaginaires collectifs, une place singulière. Que des affrontements violents opposent, au quartier Latin, forces de l'ordre et étudiants, qu'une manifestation dans les rues de Paris rassemble des centaines de milliers de participants, qu'une grève avec occupation d'usine prenne de l'ampleur et se prolonge, et naturellement les images et les sons du printemps 1968 rejaillissent dans les têtes et sur les écrans.
Des images et des sons, Mai 68 en a suscité en quantité dans un temps pourtant très court, et sous des formes étonnamment variées. Aux productions des forces contestataires se sont jointes celles des adversaires du mouvement, mais aussi celles des médias qui ont alimenté les contemporains en information. Et, une fois la page de la contestation refermée, celle-ci a stimulé les imaginations, devenant objet ou prétexte d'oeuvres visuelles ou audiovisuelles tout aussi diverses.
Face à une production aussi considérable, l'objet de cet ouvrage n'est pas seulement de démêler la confusion documentaire qui contribue à donner de l'événement des interprétations contradictoires. À travers l'observation de matériaux multiples, il est aussi de mettre en évidence les mécanismes par lesquels s'est construite la mémoire de Mai 68. Des affiches de l'Atelier populaire aux bandes dessinées et des reportages télévisés aux films de fiction, il restitue la «culture visuelle et sonore» du printemps 1968 et son rôle dans le regard porté collectivement, en France comme à l'étranger, sur la révolte de Mai.

Christian Delporte est professeur d'histoire contemporaine et directeur du Centre d'histoire culturelle des sociétés contemporaines à l'université de Versailles-Saint-Quentin.

Denis Maréchal est historien, chargé des manifestations extérieures à l'Inathèque de France (INA).

Caroline Moine est maître de conférences en histoire contemporaine et membre du Centre d'histoire culturelle des sociétés contemporaines à l'université de Versailles-Saint-Quentin.

Isabelle Veyrat-Masson est directrice de recherches et dirige le laboratoire «Communication et politique» (CNRS).

À propos de cette édition

• Éditeur: Nouveau Monde Editions
• Date d'édition: 2011
• ISBN 10: 2847366199
• ISBN 13: 9782847366198
• Reliure: Broché
• Nombre de pages: 420