Revue de presse :
Yanick Lahens montre dans son quatrième roman toute l'étendue de son talent. Sans prétention aucune. Mais avec l'assurance d'une romancière passée maître dans la peinture des ombres sur ses fresques solaires du vivre haïtien...
Une histoire forcément tragique. Dont on ressort la tête pleine d'images sublimes. (Emile Rabaté - Libération du 11 septembre 2014)
Le petit Etat caribéen à travers trois générations de paysans. Un roman poétique et politique signé Yanick Lahens...
En 280 pages, trois générations de paysans et une multitude de tableaux impressionnistes défilent sous la plume de l'élégante diplômée de la Sorbonne. Qui nous fait comprendre, mieux qu'une foule de traités, l'incroyable ressort du peuple haïtien face aux colères de la nature et à la folie des hommes. (Marianne Payot - L'Express, septembre 2014)
Yanick Lahens offre une ample épopée familiale scandée par la voix haletante d'une jeune femme, rescapée d'un -naufrage. Une histoire de larmes, de sang (mêlés), de haine et de désir entre les Lafleur, paysans observant le monde au prisme des dieux vaudous, et les Mésidor, régnant, en maître à Anse Bleue, tant sur les hommes qu'ils exploitent que sur les femmes qu'ils troussent. Lutte de pouvoir, guerre -fratricide, corruption, exil (intérieur), désir farouche de vivre et d'aimer... Sur fond de prières et de chants entêtants, la romancière dessine une magnifique fresque sur les lignes de failles sociales et culturelles qui traversent Haïti depuis un siècle. (Christine Rousseau - Le Monde du 2 octobre 2014)
Le jury du prix Fémina 2014 a récompensé la romancière haïtienne Yanick Lahens et son dernier livre, «Bain de lune» paru aux éditions Sabine Wespierser en septembre...
Romancière haïtienne qui a fait ses études à la Sorbonne, à Paris, Yanick Lahens signe avec «Bain de lune» une fresque sur trois générations qui retrace le destin des paysans haïtiens par la voix et la vie d'une jeune fille, retrouvée naufragée. Membre fondatrice de l'association des écrivains haïtiens qui combat l'illettrisme en organisant des lectures et rencontres dans les écoles, cette native de Port-au-Prince est très impliquée dans la vie associative et politique de son pays. (Yannick Vely - Paris-Match, novembre 2014)
La romancière haïtienne Yanick Lahens, 60 ans, a remporté lundi le prix Femina français pour Bain de lune (éd. Sabine Wespieser), chronique violente et poétique d'un conflit opposant deux familles ennemies dans un village côtier en Haïti...
La récompense est méritée pour ce quatrième roman, écrit de main de maître. Ce qui faisait déjà la qualité des livres précédents se révèle ici dans toute sa splendeur : le réalisme des personnages, la puissance poétique des images, la finesse des descriptions, l'audace de la composition... Yanick Lahens fait montre de son talent, sans jamais céder à l'ostentation. (Emile Rabaté - Libération du 3 novembre 2014)
L'écrivaine touche au plus près de son peuple et de l'histoire de son île dans "Bain de lune", un grand roman paysan et poétique...
C'est un voyage total, comme ceux qu'un livre réussi fait accomplir au lecteur le moins averti de ces paysages et de cette histoire tumultueux que l'écrivaine offre dans Bain de lune. Elle y découvre le substrat de son île en suivant les destins de deux familles, les Lafleur et les Mésidor, réunies par le coup de foudre, un jour de marché, de Tertulien Mésidor pour Olmène Dorival, descendante Lafleur...
Dans la tradition haïtienne du roman paysan, marquée par le classique de Jacques Roumain Gouverneurs de la rosée et plus récemment par La Belle Amour humaineoù Lyonel Trouillot faisait entendre les voix du village d'Anse-à-Foleur, ce Bain de lune de Yanick Lahens s'impose par sa grande beauté lucide. (Valérie Marin La Meslée - Le Point du 6 novembre 2014)
La romancière Yanick Lahens vient d'obtenir le prix Femina pour Bain de lune, une épopée magistrale qui court sur plusieurs générations (généalogie obligatoire en fin d'ouvrage)...
Ce conte épique traverse l'histoire de l'île dans une plénitude de styles (lexique utile à la fin), émaillé de termes en créole. Sur le siècle parcouru, Yanick Lahens parle aussi bien de l'aridité accrue de « la terre montrant ses zo genoux », de « la mer avare » que « de la mort des petits métiers, (...) des vêtements venus d'ailleurs, les robes de chambre élimées des femmes du Minnesota (...), les bottes usagées des cow-boys du Texas pour travailler dans les jardins »...
La littérature d'Haïti déjà si fertile s'enrichit de plus belle avec ce livre. (Muriel Steinmetz - L'Humanité du 20 novembre 2014)
Extrait :
Après une folle équipée de trois jours, me voilà étendue là, aux pieds d'un homme que je ne connais pas. Le visage à deux doigts de ses chaussures boueuses et usées. Le mépris dans une puanteur qui me révulse presque. Au point de me faire oublier cet étau de douleur autour du cou, et la meurtrissure entre les cuisses. Difficile de me retourner. De remonter les jambes. De poser un pied par terre avant que l'autre suive. Pour franchir la distance qui me sépare d'Anse Bleue. Si seulement je pouvais prendre mes jambes à mon cou. Si seulement je pouvais m'enfuir jusqu'à Anse Bleue. Pas une fois je ne me retournerais. Pas une seule fois.
Mais je ne le peux pas. Je ne le peux plus...
Quelque chose s'est passé dans le crépuscule du premier jour de l'ouragan. Quelque chose que je ne m'explique pas encore. Quelque chose qui m'a rompue.
Malgré mes yeux figés et ma joue gauche posée à même le sable mouillé, j'arrive quand même, et j'en suis quelque peu soulagée, à balayer du regard ce village bâti comme Anse Bleue. Les mêmes cases étroites. Toutes portes et toutes fenêtres closes. Les mêmes murs lépreux. Des deux côtés d'une même voie boueuse menant à la mer.
J'ai envie de faire monter un cri de mon ventre à ma gorge et de le faire gicler de ma bouche. Fort et haut. Très haut et très fort jusqu'à déchirer ces gros nuages sombres au-dessus de ma tête. Crier pour appeler le Grand Maître, Lasirenn et tous les saints. Que j'aimerais que Lasirenn m'emmène loin, très loin, sur sa longue et soyeuse chevelure, reposer mes muscles endoloris, mes plaies béantes, ma peau toute ridée par tant d'eau et de sel. Mais avant qu'elle n'entende mes appels, je ne peux que meubler le temps. Et rien d'autre...
De tout ce que je vois.
De tout ce que j'entends.
De tout ce que mes narines hument.
De chaque pensée, fugace, ample, entêtante. En attendant de comprendre ce qui m'est arrivé.
L'inconnu a sorti son téléphone portable de sa poche droite : un Nokia bas de gamme comme on en voit de plus en plus au All Stars Supermarket à Baudelet. Mais il n'a pas pu s'en servir. Il tremblait de tous ses membres. Tant et si bien que le téléphone lui a échappé des mains et est tombé tout contre ma tempe gauche. Encore un peu et le Nokia aurait achevé de m'enfoncer l'oeil...
L'homme a reculé d'un mouvement brusque, le regard épouvanté. Puis, prenant son courage à deux mains, a plié lentement le torse et allongé le bras. D'un geste rapide, il a attrapé le téléphone en prenant un soin inouï à ne pas me toucher.
Je l'ai entendu répéter tout bas, trois fois de suite, d'une voix étouffée par l'émotion : «Grâce la Miséricorde, grâce la Miséricorde, grâce la Miséricorde.» J'entends encore sa voix... Elle se confond avec la mer qui s'agite en gerbes folles dans mon dos.
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