Extrait :
VINGT-CINQUIÈME ÉTÉ.
Un bail.
J'ouvre la grille et c'est la même impression : une retombée générale des tensions due à la fois au silence soudain, à l'odeur d'herbe qui monte et au soulagement imbécile de constater qu'elle est toujours là, au fond du parc, que rien n'a bougé, ni les ardoises, ni les échauguettes, ni les murs... Je dois avoir la crainte idiote du citadin impénitent redoutant les effondrements, comme s'il y avait dans cette maison une fragilité liée au grand âge, au choc de l'hiver qui pourtant fut doux, à mille dangers qui, toujours, la menacent et transforment Pierre-Basse en champ de ruines.
Manoir de porcelaine.
C'est vrai que le sous-sol n'est pas rassurant, que c'est un gruyère, que le village est une écumoire, à moitié troglodytique, et que des souterrains s'y entrecroisent autour d'elle... Mais bon, ce n'est pas encore pour cette fois... Je me sens assez fier d'elle, elle tient le coup, et sacrement bien, malgré les siècles.
J'ai raconté cette sensation à un copain qui m'a fait remarquer qu'étant donné l'épaisseur des murs, il y avait quand même peu de chances qu'elle s'émiettât. Je ne suis pas complètement persuadé... Pour me justifier, je me dis que c'est dû à l'attachement (on est toujours inquiet pour ce qu'on aime) et qu'un an s'est passé depuis notre dernier rendez-vous, et qu'il s'en passe en un an, surtout pour les propriétés en verre filé.
Au fond, je dois à cette maison de superbes trouilles. À se demander si les possesseurs de résidence secondaire ne sont pas des masochistes. Je me souviens de deux d'entre elles.
L'une a eu lieu à l'heure du premier petit déjeuner sur place. Je m'en rappellerai toujours. Je suis le premier levé et je m'installe au jardin, sous les arbres. Sur la vieille table de guingois, je dépose café, biscottes, tasses et tout ce qui va avec. Il y a du soleil, des oiseaux, le ciel est bleu, il fait frais, la vraie pub pour Ricoré. Je me pose, les orteils dans l'herbe, je m'apprête à savourer le grand coup d'autosatisfaction qu'est censé éprouver tout nouveau propriétaire. Et brusquement, je ne sais si c'est le nouvel angle sous lequel je découvre cette foutue baraque, je la trouve écrasante, démesurée...
Biographie de l'auteur :
Figure atypique du roman français, Patrick Cauvin est l un des meilleurs défenseurs de la littérature populaire de qualité. Il s est illustré avec le même brio dans la critique de cinéma, le scénario de film d épouvante ou le roman historique. Entre autres. Il est surtout cher au grand public comme auteur des best-sellers parfois adaptés au cinéma L'Amour aveugle, Monsieur Papa, Pourquoi pas nous ? ou le fameux E = mc2, mon amour.
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