Présentation de l'éditeur :
Adolescent en Haïti dans les années 70, tiraillé entre la crainte d'un père rigide et le désir d'explorer le nouveau continent de la sexualité, le jeune Carl Vausier choisit de faire confiance à sa propre nature. Dans la maison familiale d'abord, où la promiscuité interdit le moindre jardin secret, il se réfugie dans le saint des saints, la bibliothèque... Puis lors de virées dans les bas-fonds de Port-au-Prince, où les prostituées lui procurent le plaisir tant recherché, mais surtout lui racontent des vies de femmes stupéfiantes, victimes de l'Histoire et de la cruauté des hommes.
Sa véritable initiation sentimentale débute toutefois à la faveur d'une correspondance avec la mystérieuse Coeur Qui Saigne... Leur première rencontre est un fiasco ; Cari ne reverra la jeune fille que des années après. Il ne cessera alors de vouloir la sauver de son tragique destin. Le roman devient celui de deux êtres voulant rattraper le passé, réécrire leur propre histoire, tandis qu'autour d'eux la violence redouble, que les militaires rôdent et agissent avec une brutalité inouïe.
Gary Victor, dans ce superbe roman qu'on devine pour partie autobiographique, raconte aussi la naissance d'un écrivain : les débuts encouragés par ses parents, l'initiation chez un entreprenant poète, ses révoltes contre les injustices et les aberrations de son pays - dont la mort absurde de son père à même le sol d'un hôpital, à 333 mètres du bureau du président de la République...
Cette écriture foisonnante, avec son humour et sa liberté, n'est-elle pas la seule voie qui reste à Cari pour échapper à sa «maudite éducation» ?
Né à Port-au-Prince, en exil permanent dans son tiers d'île comme il aime à le dire, Gary Victor, journaliste, dramaturge, écrivain, est l'auteur d'une oeuvre littéraire importante qui explore sans concession les mondes intérieurs les plus singuliers. Son regard aigu sur la société et ses conflits fait de lui un auteur à la fois incontournable et inclassable. Il o publié une quinzaine d'ouvrages dont A l'angle des rues parallèles (prix du Livre insulaire, 2003), Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin (prix RFO, 2004), Banal oubli (2008), et Le Sang et la Mer (prix Casa de Las Americas, 2012).
Gary Victor, dans ce superbe roman qu'on devine pour partie autobiographique, raconte aussi la naissance d'un écrivain : les premiers écrits encouragés par ses parents, une initiation chez le poète (et entreprenant...) Gaston Paisible, les révoltes qui montent en lui contre les injustices et les aberrations de son pays - dont la mort absurde de son père, faute de soins, à même le sol d'un hôpital à 333 mètres du bureau du président de la République...
Cette écriture foisonnante, avec son humour et sa liberté, n'est-elle pas la seule voie qui reste à Carl pour échapper à sa «maudite éducation» ?
Né à Port-au-Prince, en exil permanent dans son tiers d'île comme il aime à le dire, Gary Victor, journaliste, dramaturge, écrivain, est l'auteur d'une oeuvre littéraire importante qui explore sans concessions les mondes intérieurs les plus singuliers. Son regard aigu sur la société et ses conflits fait de lui un auteur à la fois incontournable et inclassable. Il a publié une quinzaine d'ouvrages dont À l'angle des rues parallèles (prix du Livre insulaire, 2003), Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin (prix RFO, 2004), Banal Oubli (2008), et Le Sang et la Mer (prix Casa de Las Americas, 2012).
Extrait :
Un soir de janvier, j'avais treize ans, ravagé par les soubresauts de mon membre, je suivis un char carnavalesque animé par un groupe dont on n'entendait que le grincement monotone d'une guitare électrique mal accordée. Un flot d'hommes et de femmes chaloupait au son du merengue, se déhanchant souvent avec allégresse dans l'obscurité des rues où les odeurs d'alcool de canne et de pissat s'entremêlaient. Je subis l'attraction à la fois magique et malsaine de cette foule mue beaucoup plus par une énergie sexuelle que par la musique qui n'était qu'un prétexte aux débordements. Je parcourus ainsi une partie de la ville basse jusqu'à atteindre une avenue longeant le bord de mer. Le char s'arrêta devant un night-club fermé dont l'enseigne, à moitié brisée, se balançait dans la nuit sous le souffle irrégulier de la brise marine. Les accords monotones de la guitare, cessant de picoter la nuit, moururent sous la fatigue des doigts du musicien. Dans un silence agrémenté d'un chant discret d'insectes, la foule se dispersa, les couples formés tout au long du parcours en quête frénétique d'une intimité pour conclure la soirée.
Revenu de l'ivresse de cette bamboche de rue, je me retrouvai seul dans le noir. Quand les nuages ouvraient une brèche, un quartier de lune éclairait un terrain vague où seule une bâtisse, portant à son fronton les insignes du mouvement scout, laissait deviner une présence humaine. Je pensai à revenir sur mes pas, inquiet de m'être aussi éloigné de mes bases habituelles, en même temps ivre d'une liberté que je découvrais et pressentant, ici, une solution au désir sexuel qui me harcelait. Chaque cellule de mon corps réagissait aux stimuli de la ville qui palpitait dans le noir tel un organisme vivant. Les lueurs vacillantes des lampes à huile, après les passages des phares des véhicules, maintenaient en mouvement des ombres qui survolaient les murs, embrassaient le feuillage des arbres et voletaient dans le lointain comme ces esprits que l'imagination populaire disait hanter les nuits. La respiration de la mer apportait dans ma direction des odeurs d'algues, de poissons, de conques, de vase corrompue par les détritus de la cité.
Une femme vint vers moi. La nuit était une pieuvre, l'inconnue l'un de ses tentacules. Je vis aussi les autres : un essaim de femmes sur des carcasses de véhicules à l'entrée d'un terrain vague donnant, vers la mer, sur un sous-bois. Je ne compris pas immédiatement ce qu'elles faisaient là. Celle qui s'était approchée de moi me dit que, pour une seule piastre, elle était prête à m'offrir ce que je désirais. J'avais quelques billets en poche. Je la suivis, halluciné, mon désir atténuait ma timidité maladive, faisait taire toute crainte qui m'aurait dissuadé de continuer vers l'inconnu. Ici, soudain, je me sentis en sécurité, avec le voile de la nuit jeté sur moi et les vibrations animales de l'endroit. La femme avança calmement vers le sous-bois, repéra avec adresse un sentier qui évitait les fondrières et les mares de boue, écarta d'une main sûre les branches d'une végétation naine et sauvage.
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