Extrait :
Extrait de l'éditorial de Laurent Delcourt :
Mobilisations dans le Sud face à la crise alimentaire
«Nous pensons qu'il faut donnera cette crise un nom plus exact. Celui-ci reste encore à trouver. Mais il ne s'agit pas d'une crise alimentaire. C'est une crise de valeurs qui concerne tout autant les entreprises transnationales et les gouvernements nationaux que la coopération internationale», Sinforiano Cáceres, président de la Fédération nationale des coopératives, Nicaragua (Envio, 2008).
Premier semestre 2008. Le Sud connaît une vague d'irruptions populaires violentes consécutive à la spectaculaire envolée des prix alimentaires. Aucun continent n'est épargné. Telle une traînée de poudre, des émeutes urbaines éclatent successivement en Guinée, au Burkina Faso, au Cameroun, au Sénégal, en Haïti, en Côte d'Ivoire, aux Philippines, au Bangladesh, au Pakistan, en Indonésie, en Malaisie... Elles sont quasi simultanées au Maroc, en Tunisie et en Egypte. Partout, le scénario semble se répéter à l'identique : flambée locale des prix, manifestations de colère populaire, pillage de magasins ou d'entrepôts, proclamation par les autorités de l'état d'urgence, affrontements violents avec les forces de l'ordre qui, dans certains cas, n'hésitent pas à tirer sur la «foule».
Le bilan humain est lourd : au total, des centaines de blessés et des dizaines de morts, principalement en Afrique (Cameroun, Côte d'Ivoire, Mauritanie, Somalie, etc.). Dans quelques pays, la pression de la rue est telle que les gouvernements nationaux sont directement menacés. Haïti en fait la douloureuse expérience : au terme de trois jours d'émeutes qui se soldent par la mort de cinq personnes, dont un casque bleu de la Minustah (Mission de l'ONU pour la stabilisation en Haïti, l'une des cibles privilégiées des manifestants), et la tentative de prise du Palais national, le gouvernement Alexis est contraint de démissionner. Ailleurs, le couperet de la répression tombe : on ne compte plus les arrestations.
Présentation de l'éditeur :
Port-au-Prince. Le Caire. Dakar. Mogadiscio. Kuala Lumpur. Manille.... pour nombre de capitales du Sud, l'année 2008 aura été celle des «émeutes de la faim». Traditionnellement sourds aux appels de la rue, les gouvernements des pays concernés ont cette fois réagi au quart de tour, conscients que cette colère populaire là, celle des «ventres creux», constituait une menace sans égal pour leur stabilité. Les réflexes répressifs ont donc été accompagnés d'une batterie de mesures d'urgence visant à contenir les prix (vente d'aliments subsidiés. réduction des taxes à l'importation, limitation des exportations, etc.). Expression spectaculaire des tensions sociales et politiques qui agitent l'univers urbain, les «émeutes de la faim» n'épuisent cependant pas la diversité des réactions des populations concernées. Dans de nombreux pays, le mécontentement a tant bien que mal été canalisé dans des manifestations «contre la vie chère» par les acteurs syndicaux ou les forces de l'opposition, avec l'espoir - au-delà de l'urgence humanitaire - d'arracher des changements démocratiques et sociaux à des élites prises en défaut par l'ampleur de la crise. Plus fondamentalement, ces protestations sont l'ultime soubresaut d'une tendance lourde : la marginalisation des agricultures vivrières au profit des monocultures d'exportation et la dépendance accrue des pays pauvres vis-à-vis des marchés internationaux qui en découle. Les organisations paysannes sauront-elles s'appuyer sur la prise de conscience, partagée par un nombre croissant de décideurs nationaux, des dangers de la libéralisation agricole pour faire avancer le principe de la souveraineté alimentaire ?
Les informations fournies dans la section « A propos du livre » peuvent faire référence à une autre édition de ce titre.