Extrait :
Éditorial de François Polet
Expansion des agrocarburants au Sud : dynamique et impacts
Les cultures pour agrocarburants gagnent du terrain dans la majorité des pays du Sud. Dominées par des plantations industrielles, elles génèrent d'importants impacts problématiques : concentration des terres, destruction des écosystèmes, fragilisation de la sécurité alimentaire. Les systèmes de certification volontaire visant à faire émerger un agrocarburant industriel «durable» aident surtout à «verdir» l'image du secteur.
À la croisée d'enjeux énergétiques, environnementaux, agricoles et commerciaux majeurs, les agrocarburants suscitent de vifs débats depuis plusieurs années. Leurs détracteurs ont gagné de l'audience depuis la crise alimentaire de 2007 et la mise en cause des cultures énergétiques dans l'explosion du prix des denrées alimentaires. La chute des prix mi-2008 n'a pourtant pas réduit la pression sur les avocats des cultures énergétiques, car deux nouvelles accusations émergent depuis peu, étayées par un nombre croissant d'études et de rapports. La prise en compte du «changement d'affectation des sols» causé directement ou indirectement par les agrocarburants remettrait en question leur bilan carbone positif, principal «argument de vente» auprès du grand public. Et la quête de surfaces agricoles qu'ils occasionnent serait une des causes majeures de l'inquiétant phénomène d'«accaparement des terres» dans les pays du Sud. Malgré l'intensité de la controverse, la Commission européenne et les États du Nord comme du Sud gardent le cap et relativisent les impacts... ou misent sur l'application de critères de durabilité pour faire émerger des filières «propres».
Cette livraison d'Alternatives Sud revient plus spécifiquement sur la dynamique de l'expansion des agrocarburants dans les pays du Sud et les impacts variés qu'elle génère. Quels sont les principaux moteurs de la «fièvre des agrocarburants» au Sud et quels sont les discours de légitimation avancés pour convaincre les opinions publiques locales du bien-fondé de l'affectation de terres à des cultures énergétiques ? Quels sont ensuite les impacts concrets pour les populations, en particulier pour les groupes les plus pauvres ? Sont-ils en mesure de bénéficier d'un secteur largement dominé par les monocultures industrielles ou sont-ils condamnés à n'en connaître que les inconvénients, sous la forme d'une fragilisation de la sécurité alimentaire et de leurs droits d'accès aux ressources naturelles ? Cette expansion est-elle par ailleurs compatible avec la préservation des écosystèmes sensibles ? Au-delà, les effets sociaux et environnementaux «en cascade» de l'expansion des agrocarburants sont-ils maîtrisables par les instruments - critères de durabilité et systèmes de certification - avancés par les acteurs de la filière et les pouvoirs publics ?
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Présentation de l'éditeur :
Longtemps considérée comme une panacée face aux changements climatiques, la production d'agrocarburants pose problème. En particulier en Asie, en Amérique latine et en Afrique, où elle prend le plus souvent la forme de vastes monocultures - de canne, de palme, de soja... - aux mains de l'agro-industrie. Destination en hausse : les pays riches soucieux de diversifier et de «verdir» leur approvisionnement énergétique. Les impacts fonciers, sociaux et environnementaux observés au Sud tendent à aggraver les déséquilibres, quand ils ne mettent pas en péril l'alimentation même des populations locales, par le changement d'affectation des terres. Déforestation. appropriation privative des ressources, accaparement des propriétés agraires, concentration des bénéfices, pollution des sols et de l'eau, appauvrissement de la biodiversité, exploitation de mains-d'oeuvre vulnérables, déplacement de populations, violation de droits humains... les ressorts et les «externalités» de la dynamique sont multiples et à géométrie variable.
En matière d'émission de gaz à effet de serre, («alternative» desagrocarburants ne ferait pas mieux, dans sa globalité, que les combustibles fossiles. Quant aux «critères de durabilité» - lacunaires - auxquels l'Union européenne et les États-Unis entendent soumettre leurs importations, ils changent moins la donne qu'ils ne donnent le change.
A quelles conditions une réappropriation équitable et un développement durable de la production et de la consommation d'agrocarburants sont-ils envisageables ? Les solutions passent par une refonte des politiques économiques et agricoles.
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