Extrait :
Extrait du petit livre noir, 8 février : M. Cawthorne, qui est passé la veille de mon mariage et a essayé de nous faire culpabiliser de ne pas l'avoir invité.
En temps normal, Lily était la dernière personne sur terre à qui Annie aurait confié ses états d'âme. Les âmes et Lily ne faisaient pas bon ménage. Annie se demandait même parfois si Lily avait une âme. Toutefois, ce soir-là, la veille de son mariage, de retour dans l'intimité familiale, assise dans sa chambre, ses posters de Duran Duran jaunis toujours accrochés au mur, Annie se sentit obligée d'exprimer sa pensée.
«C'est difficile à expliquer», dit-elle, «mais je me sens vraiment différente, j'ai l'impression d'être enveloppée d'un voile d'amour. J'aime tout le monde. J'espère que je me sentirai ainsi toute ma vie.» «Je l'espère aussi.», répondit Lily tout en fouillant d'une manière experte dans la garde-robe d'Annie. «Je suppose que tu n'as pas envie de me donner ta veste en velours marron ?» «Non.», dit Annie. Lily ne comprenait évidemment pas. Lily ne pourrait jamais comprendre. Annie s'assit à sa coiffeuse et tendit la main pour prendre son vernis à ongles Presque Nue. Annie avait découvert le sens de la vie. Lily ne pouvait pas comprendre cela non plus. Annie avait découvert le sens de la vie quelques mois auparavant. Pour être précis, elle avait découvert le sens de la vie à 14h30, le 27 décembre. À 14h29, le 27 décembre, elle était assise à son bureau, dans sa chambre. Elle était censée écrire des lettres de remerciements, mais en réalité, elle était en train de ruminer sa rupture avec Ben six semaines auparavant. À 14h30, elle entendit le gravier crisser dehors. Elle regarda par la fenêtre et vit Ben remonter l'allée. Elle s'élança hors de sa chambre, courut dans le couloir, dévala les escaliers, se rua dans l'entrée et se jeta dans ses bras, et il murmura «Épouse moi. Épouse-moi tout de suite.» Cet instant, ce souvenir, se trouvait dans une petite boîte dans un coin de son esprit, et à chaque fois qu'elle l'ouvrait, qu'elle soit dans son appartement d'Hammersmith en train d'essayer de réparer sa douche, ou dans le métro, coincée dans un wagon avec au moins cent fois trop de passagers, ou au travail, essayant de gérer dix requêtes à la fois, elle ouvrait la boîte et des milliers de minuscules étincelles de joie s'envolaient, réarrangeaient les atomes et lui rappelaient que la vie était belle.
Le sens de la vie, c'était l'amour. L'amour changeait tout. Sans amour, elle pouvait aller travailler, se satisfaire d'être une petite partie de cette illustre institution qu'était la BBC, attendre impatiemment le jour où elle pourrait cesser d'être secrétaire et où elle pourrait devenir assistante de production théâtrale, puis, si possible, productrice.
Sans amour, c'était toujours possible d'apprécier de voir ses amis, de rendre visite à sa famille, d'aller en vacances en France. Sans amour, elle pouvait faire tout cela, et presque réussir à ignorer l'insatisfaction confuse et floue qui la hantait depuis toujours. Mais maintenant qu'elle avait, sans très bien savoir comment, conquis l'amour de l'homme le plus charmant, sensible et drôle de la planète, l'amour donnait à sa vie une structure et un but. Ben avait donné à son existence fade et sans relief de la dignité et de la profondeur. Elle avait passé sa vie, le visage pressé contre la vitre, à regarder la fête par la fenêtre, tout en sachant qu'il devait y avoir un moyen d'y entrer, si seulement elle pouvait le trouver ! Ben avait ouvert la porte et l'avait fait entrer, et voilà, elle était à l'abri et au chaud pour toujours. Avant Ben, toute sa vie n'était qu'un kaléidoscope de souvenirs : son désir puéril de devenir actrice, ses disputes acharnées avec Lily, ses vaines tentatives d'égaler les réussites scolaires de Joséphine, ses nombreuses passions pour des garçons dont le charme se réduisait en poussière dès lors que ses sentiments devenaient partagés, sa joie de rejoindre la BBC, son excitation de quitter le foyer familial et de louer un appartement avec des amis. Tout, dans sa vie, semblait constituer un préambule à cet instant.
Présentation de l'éditeur :
Extraits du petit livre noir d'Annie May :
- 5 mars 1982
Janet Elliot qui a dit à Nagel que mon soutien-gorge était rembourré avec des mouchoirs en papier.
- 3 novembre 1986
Angus Trent qui m'a dit qu'il m'aimait et qui m'a embrassé passionnément à la fête de Lucy, puis qui a omis de m'informer qu'il partait pour l'Australie le lendemain.
- 9 février 1988
BEN SEYMOUR POUR TOUT ET POUR TOUJOURS !
- 20 juin 1991
Ma cousine Vanessa qui m'a demandé si je ne trouvais pas trop difficile d'être la seule de la fratrie à ne pas être mariée, désormais.
Dans son petit livre noir, Annie May note les noms de toutes les personnes qui se sont mal comportées envers elle. En tête de liste, se trouve le pire des scélérats : Ben Seymour, l'homme qui l'a quittée au pied de l'autel, il y a quelques années.
Après des années à tenter de refaire surface, Annie se retrouve un jour nez à nez avec ce traître qui lui a brisé le coeur et qui n'a rien trouvé de mieux que d'emménager dans une maison juste à côté de la sienne... D'abord furieuse, Annie va bientôt découvrir la raison de sa fuite et décider ou non de lui pardonner...
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